Calais: Ex-sympathisante FN, elle est jugée pour avoir aidé le migrant qu’elle aimait
JUSTICE•Béatrice Huret est jugée mardi 27 juin au tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer pour avoir aidé au passage de migrants vers l’Angleterre…O.A. avec AFP
L'essentiel
- Béatrice Huret, ancienne sympathisante FN, est tombée amoureuse d'un exilé iranien après avoir commencé à aider les habitants de la «jungle» de Calais.
- Elle risque jusqu'à dix ans de prison pour avoir aidé des migrants à rejoindre l'Angleterre en 2016.
Son histoire ressemble à un Roméo et Juliette du 21e siècle, en plein Calaisis. Béatrice Huret, 45 ans, ex-sympathisante FN tombée amoureuse d’un exilé iranien de la « jungle » de Calais, doit être jugée mardi matin au tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer.
Soupçonnée d’avoir organisé « le passage d’étrangers au Royaume-Uni (…) en assurant leur prise en charge (…) en bande organisée », Béatrice Huret encourt une peine de dix ans de prison. La justice lui reproche d’avoir fait passer son amoureux en bateau vers l’Angleterre en juin 2016. Trois autres prévenus (un militant « No Border » français, une Française mère de quatre enfants et un Iranien de 26 ans) seront également à la barre pour le même motif.
Un « choc » en abordant la « jungle » pour la première fois
Le témoignage de Béatrice Huret est tellement fort qu’elle l’a publié en mai sous forme de livre, Calais mon amour (Editions Kero). Veuve depuis 2010 d’un mari travaillant à la police aux frontières (PAF), mère d’un ado, formatrice pour adultes, elle menait une vie routinière jusqu’en février 2015. Elle prend alors en stop un jeune Soudanais perdu dans le centre-ville de Calais pour l’accompagner à la « Jungle ».
« Cela a été un choc », expliquait-elle début juin à l’AFP. Elle a alors décidé alors de s’y rendre régulièrement comme bénévole, après avoir organisé une première récolte de vêtements de sa propre initiative.
Traversée en bateau
C’est en mars 2016 ; bouleversée par la manifestation d’un groupe d’Iraniens qui s’étaient cousus la bouche pour protester contre le démantèlement d’une partie du camp, qu’elle ressent « un coup de foudre » pour l’un d’eux, Mokhtar, leur porte-parole.
« Mokhtar m’a rendu le goût de l’amour oublié », écrit cette ancienne électrice du FN, parti pour lequel elle votait « sans se poser de questions ». C’est après une tentative ratée de passage de Mokhtar en Angleterre en camion que l’idée vient d’acheter un bateau sur Le bon coin.
La traversée de Mokhtar et de deux autres Iraniens est organisée avec l’aide d’un militant « No border », autre prévenu, le 11 juin au départ de Dannes, entre le Touquet et Boulogne. L’équipage sera finalement secouru par les garde-côtes britanniques, alors que le bateau chavirait.
Interpellée à son travail
Depuis, Mokhtar a obtenu le statut de réfugié. Mais Béatrice Huret a été interpellée à son travail mi-août et placée en garde à vue. Accusée d’être une passeuse, elle rétorque dans son livre : « J’ai amené un bateau sur une plage. Point. Je l’ai fait par amour (…), ça ne m’a rien rapporté. »
Cependant selon l’accusation, les mis en cause faisaient bien partie d’une structure organisée de passeurs de migrants, occasionnant de juteux profits pour certains d’entre eux. En outre, Béatrice Huret aurait déposé deux autres Iraniens dans un bois à Zoteux (Pas-de-Calais) à proximité de camions mi-juillet, bien après le passage de Mokhtar.
« Ma cliente a fait tout ça pour raison humanitaire. Je ne vois pas comment on va pouvoir retenir la bande organisée », a indiqué à Me Marie Hélène Calonne, qui plaidera la relaxe.