Amiens: Procès de la tuerie dans un camp de gens du voyage
JUSTICE•Un homme est poursuivi pour avoir abattu quatre personnes lors d’un coup de colère dans un camp de gens du voyage en août 2015, à Roye (Somme) en août 2015…O.A. avec AFP
L'essentiel
- Trois membres d’une même famille dont une enfant de 8 mois et un gendarme ont été tués lors de la fusillade
- L’accusé n’a pas de regret sauf pour le gendarme
- Une première journée de procès sous haute sécurité
Le procès de Marcel Ruffet, accusé d’avoir tué à coups de fusil en août 2015 trois membres d’une même famille et un gendarme dans un camp de gens du voyage à Roye (Somme), s’est ouvert mardi devant la Cour d’assises de la Somme, à Amiens.
Ce sont ces violences qui avaient ensuite entraîné le blocagependant 14 heures de l’autoroute A1.
Petit homme sec, Marcel Ruffet, ex-forain de 73 ans, est apparu dans le box à 9h30. Chemise bleue à carreaux et lunettes fines, il a décliné, avec un débit rapide, son identité devant une salle d’audience silencieuse composée des quelque 30 personnes qui se sont constituées parties civiles.
Quatre morts, dont une fillette de 8 mois abattue dans son lit
Il est accusé d’avoir, le 25 août 2015, en milieu d’après-midi, ouvert le feu sur une famille dans un camp de gens du voyage à Roye, où il vivait. Le tireur avait ensuite visé les forces de l’ordre, alertées par les coups de feu.
Bilan : quatre morts, Michel Baumgaertner, 46 ans, sa petite-fille, Lovely, 8 mois, sa belle-fille, Mallaurie, 19 ans, et un gendarme Laurent Pruvot, 44 ans, ainsi que deux blessés graves.
L’enquête a établi que le suspect avait une alcoolémie de 2,29g dans le sang. « Tout l’enjeu de l’audience sera de comprendre ce qui a pu amener Ruffet à commettre ces faits. Elle ne sera jamais en proportion de la gravité de ce qu’il a fait, mais il y a forcément une raison », estime Me Guillaume Demarcq, l’avocat de l’accusé.
Un mobile très flou
Vingt mois après cette tuerie, le mobile de l’accusé, dépourvu de toute « anomalie mentale ou psychique » selon les expertises, demeure en effet très flou. L’enquête révèle bien des tensions entre l’accusé et la communauté des gens du voyage liées à une dispute remontant à juin 2014 entre Michel Baumgaertner et Marcel Ruffet, mais les causes sont indéterminées.
Seul un point de discorde concret est soulevé par l’instruction : les branchements à l’eau et à l’électricité. Ainsi, ce 25 août, c’est lorsqu’il remarque que Michel Baumgaertner a retiré son branchement pour y mettre le sien, que, furieux, il serait remonté dans sa caravane chercher son fusil dans l’intention de tuer le père et ses trois fils.
Pas de regret, sauf pour le gendarme
« Ces gens-là » étaient de la « pourriture », de la « racaille », dira Ruffet aux enquêteurs, ajoutant être content d’avoir « crevé » ces « parasites ».
« Il est dans la revendication provocatrice, Ruffet a un mépris de la nature humaine, la gamine il l’a descendue dans son lit papillon, il l’a flinguée à bout portant ! » s’emporte l’avocat de la famille décimée, Me Jérôme Crepin.
Au cours de l’instruction, Ruffet a répété qu’il ne regrettait « rien », sauf « pour le gendarme », affirmant qu’il ne savait pas qu’il en était un.
Dans l’aire d’accueil communale où vivait depuis plusieurs années une quarantaine de gens du voyage semi-sédentarisés dans des caravanes l’ambiance était décrite comme « bonne » et Ruffet comme une personne ne posant pas de difficultés.
« Autoritaire » et passionné de chasse
Huitième enfant d’une fratrie de treize, l’accusé a grandi dans une famille de forains en Picardie. Il est allé à l’école jusqu’à « 12-14 ans », a eu quatre enfants, dont l’un décédé d’un accident de voiture en 2008.
Son ex-épouse décrit toutefois un homme « autoritaire », et ses enfants une personne « alcoolique », « très violente », sa fille parlant même d'« un monstre ». Des proches évoquent aussi un homme « solitaire », passionné de chasse et de pêche, qui avait des « coups de sang », mais qui était aussi « droit » et « courageux ».
Blocage de l’autoroute A1
Cette tuerie avait débouché sur le blocage de l’autoroute A1 par des gens du voyage de Roye, au plus fort des retours de congés, le 28 août 2015. Ils exigeaient la remise en liberté, le temps d’assister aux funérailles, du fils de Michel Baumgaertner ainsi que celle d’un proche, incarcérés.
Pour ces troubles, dix des auteurs du blocage avaient été condamnés en février 2016 à des peines allant de quatre à 18 mois ferme, sans incarcération.
Selon une source judiciaire, environ 70 policiers et gendarmes ont été mobilisés pour assurer la sécurité de cette première journée de procès, lequel doit s’achever le 5 mai.