Nord: Une affaire de dénonciation entre collègues empoisonne Esterra
INFO 20 MINUTES•Un ancien intérimaire éboueur chez Esterra assure avoir dénoncé des collègues de travail pour gagner le droit d’être embauché. Ambiance…Gilles Durand
Dénoncer ses collègues de travail en échange d’une embauche définitive. Un ancien intérimaire d’Esterra affirme avoir eu recours à cette pratique pendant plusieurs semaines, laissant entendre que la direction était au courant.
Salariés surveillés
Certains salariés ainsi surveillés ont fini par être sanctionnés par l’entreprise chargée de collecter les ordures ménagères dans la métropole lilloise. Mais lui n’a pas été embauché et dans cette affaire, une plainte va être déposée devant la justice. Comment en est-on arrivé là ?
A 34 ans, Eric* a commencé à travailler en intérim chez Esterra en juin 2015. Ce Roubaisien y est resté pendant 18 mois sous ce statut. « Il y a beaucoup d’intérimaires. On change régulièrement d’équipe. Il faut se faire bien voir », se confie-t-il à 20 Minutes. Durant ces diverses missions, Eric se lie d’amitié avec un délégué du syndicat CFDT.
Des rapports par SMS
En mai 2016, l’intérimaire reçoit alors une proposition de la part de son « protecteur », comme il l’appelle. « Je devais travailler au dépôt de Sequedin pour lui donner les noms de ceux qui ralentissaient volontairement leur tournée et ne la finissaient pas », raconte Eric qui se laisse séduire par le marché. « Ce délégué m’a dit que les gars seraient licenciés et qu’il y aurait des embauches. J’y ai cru », précise-t-il.
Eric assure aussi avoir rencontré le directeur des ressources humaines du groupe, en juillet. « Il m’a dit de faire ce que le délégué me demandait », se souvient Eric. L’intérimaire s’exécute et commence à donner des noms. Il envoie ses rapports par SMS. Ces échanges de textos vont bientôt se retrouver entre les mains de la justice.
Plainte pour discrimination syndicale
Car depuis qu’elle est au courant de l’existence de ces messages écrits, la CGT a décidé de porter plainte pour discrimination syndicale auprès de la direction d’Esterra. D’autant que les sanctions – parfois jusqu’au licenciement – sont tombées essentiellement sur des personnes syndiquées à la CGT ou chez FO. « Les messages sont suffisamment explicites pour comprendre que la hiérarchie était au courant », souligne Ioannis Kappopoulos, avocat de la CGT dans cette affaire.
« C’est plutôt mon client qui est victime de discrimination syndicale », rétorque Yann Laugier, avocat du délégué CFDT mis en cause. Ce dernier a décidé d’attaquer la CGT et FO pour atteinte à la vie privée. En effet, les deux syndicats ont diffusé le contenu de certains SMS dans un tract. Une première plainte a été déboutée par le tribunal.
« C’était ma seule chance d’être embauché »
Cette histoire serait peut-être restée secrète si Eric avait effectivement été embauché. « Je ne sais pas si j’aurais pu garder ça pour moi, affirme-t-il. Mais Il faut me comprendre. C’était ma seule chance d’être embauché. Je n’avais pas vu que ça aurait de telles répercussions sur la vie des personnes licenciées. Je m’en excuse aujourd’hui auprès d’elles. »
En décembre 2016, après avoir passé des tests en vue d’obtenir le permis de conduire poids lourds, Eric apprend qu’il ne sera pas embauché comme il l’espérait. Alors il décide de vider son sac. Il dévoile la liste de SMS et les méthodes internes : « Je veux laver mon honneur. J’ai été pris en otage dans une guerre de clans entre syndicats. »
Contactée, la direction d’Esterra n’a pas donné suite.
*Prénom d’emprunt