Cambrai: L'hôpital sur la sellette après le décès d'une fillette
SANTÉ•Un expert médical pointe la responsabilité de médecins du centre hospitalier de Cambrai dans la «perte de chance de survie» d'une fillette décédée en mars...Olivier Aballain
Trois médecins du centre hospitalier de Cambrai sont directement mis en cause. Un expert mandaté par le tribunal administratif de Lille a évalué à 80 % la perte de chance de survie d’une fillette de 3 ans, décédée le 9 mars 2016 dans l’établissement. Les parents ont porté plainte contre X, le 5 décembre, pour « homicide involontaire » et « non-assistance à personne en danger ».
Dans son rapport de quinze pages, le Dr Jean-Claude Mselati analyse longuement les heures qui ont précédé la mort de la petite Mareva, admise pour de violents maux de ventre, à 1h15 du matin. D’après l’expert, aucun des trois médecins n’a pris la mesure de la gravité de son cas. La maman, Élodie Machu, dit aujourd’hui se battre « pour qu’ils prennent conscience de leurs erreurs, et que d’autres enfants ne meurent pas ».
Des « soins insuffisants » pendant sept heures
Selon le rapport, Mareva a succombé à un « megacôlon toxique », une pathologie très rare dont la non-détection « ne peut pas être reprochée » aux médecins. Mais l’expert pointe les « soins insuffisants » prodigués à l’enfant pendant les 7 heures passées en pédiatrie cette nuit-là, et estime qu’une prise en charge plus complète lui aurait donné cinq fois plus de chances de s’en sortir. « Le personnel soignant était très présent, mais ce sont les médecins qui n’écoutaient pas », explique aujourd’hui Élodie Machu.
Maréva, qui n’avait pas d’antécédents, est arrivée en hurlant de douleur, très pâle. Toute la nuit, son état ne fera qu’empirer. Cependant, ni « les yeux révulsés » décrits par sa mère, ni les vomissures verdâtres, ni le pouls à 180, ni les appels de l’interne de garde ne fléchiront le corps médical.
La pédiatre ne voit pas le côlon hyperdilaté repéré par l’expert, a posteriori, sur la radio ; le médecin radiologue de garde refuse de se déplacer (il répond qu’il est à 30km) pour pratiquer une échographie ; le chirurgien d’astreinte refuse d’examiner un cas qui relève de la pédiatrie, donc du bloc chirurgical de Valenciennes…
Pour l’expert, les praticiens auraient pu prévoir un transfert en réanimation, et la mise en place d’une sonde gastrique et rectale pour soulager l’enfant. La fillette est finalement décédée d’un arrêt cardiaque.
Le CH Cambrai promet de « coopérer »
Me Christophe Donnette, avocat de la famille, estime que le rapport « établit la faute de l’établissement ». Le centre hospitalier de Cambrai a fait savoir dans un communiqué, mardi, que la communauté hospitalière s’associait « à la douleur » des proches de la petite fille. « L’hôpital continuera de coopérer à la manifestation de toute la vérité comme il l’a déjà fait en toute transparence », indique la direction.
Le procureur de la République, à Cambrai, précise que ses services prendront une décision sur les suites de la plainte «dans les jours à venir».
Le centre hospitalier de Cambrai est certifié « C », sur une échelle de « A » à « E » à propos de la qualité et de la sécurité des soins, évaluées en juillet par la Haute autorité de Santé. Son niveau de prise en charge de la douleur est également fixé à « C », plus bas que 85 % des établissements français, classés soit « A » soit « B » sur ce critère.