Lille: Le tribunal des affaires sociales, un «triangle des Bermudes»
JUSTICE•Le TASS de Lille a accumulé 3.500 dossiers en attente, soit l'équivalent d'un an d'activité...Olivier Aballain
La situation ne s’améliore pas au Tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille (TASS). Cette instance, en charge notamment de régler les litiges entre employeurs et employés au sujet des maladies professionnelles, a accumulé 3.500 dossiers en attente de traitement, soit un an de délai.
L’association nationale des victimes de l’amiante (Andeva), et son antenne régionale, l’Ardeva, ont de nouveau tiré la sonnette d’alarme courant mai, après deux alertes en juillet et en septembre. « Les victimes sont condamnées à attendre », rappelle l’association, qui met l’accent sur la situation « souvent précaire » des personnes qu’elle accompagne.
« Nulle part en France, la situation n’est aussi grave qu’à Lille », assure Me Michel Ledoux, avocat de l’Andeva. « Pour nous, le TASS de Lille, c’est le triangle des Bermudes. On y dépose des dossiers, et on ne les revoit plus avant longtemps ».
Des moyens en personnel trop faibles
Audiences non fixées, jugements en attente, ou rendus mais non notifiés aux parties : pour son seul cabinet parisien, Me Michel Ledoux comptabilise une soixantaine de dossiers en souffrance « depuis plus d’un an ».
Au tribunal, on reconnaît que la situation est « difficile, mais plutôt stable ». Toutefois, le président du Tribunal de Grande Instance (TGI), dont dépend le TASS, refuse le bonnet d’âne. « Il y a en France des juridictions dont la situation est plus problématique qu’à Lille, assure Tristan Gervais de Lafond. Notamment à Marseille qui a accumulé, je crois, 3 ans de stock ».
A Lille, l’objectif du magistrat est de faire en sorte « que la situation ne se dégrade pas ». Une mission difficile, car les moyens en personnel sont notoirement trop faibles. Ainsi, au vu du nombre de dossiers traités, le TASS de Lille devrait disposer de 11 postes de secrétaires (pour la rédaction des décisions, la fixation des audiences, etc.) : Il n’en a que 4, d’après le décompte du président du TGI (et même seulement 1,5 « équivalent temps plein », selon l’Andeva).
De surcroît, le turn-over est élevé car les départs sont, en général, compensés en contrats à durée déterminée. Et la loi prévoit que ce soit la caisse d’assurance maladie (CPAM) qui mette les agents à disposition du TASS. Jean-Luc Bocquet, le directeur de la CPAM de Lille-Douai, se retrouve ainsi à « remplir un rôle d’agence d’intérim », au gré des moyens débloqués au coup par coup, par le ministère.
En attendant 2019…
Tous espèrent voir la situation s’améliorer d’ici 2019 et la mise en œuvre d’une réforme qui prévoit la mise en commun des procédures (et des moyens) au sein du TGI. D’ici là, Tristan Gervais de Lafond compte desserrer un peu l’étau grâce au renfort d’un juriste, espéré pour cet automne, qui aiderait à mettre en forme les dossiers, pour gagner du temps.
Mais le temps, c’est justement ce dont manquent les usagers du tribunal, selon Me Michel Ledoux : « Le TASS c’est le tribunal des pauvres, celui dont on attend les décisions pour toucher des allocations familiales, une pauvre retraite… Bref, pour manger ».