Nord: De l'Avesnois au Festival de Cannes, la belle l'histoire d'un ancien illettré devenu acteur
CINEMA•Alors qu’il commence tout juste à savoir lire et écrire, Daniel Vannet a décroché le premier rôle d’un film sélectionné et se retrouve au festival de Cannes…Gilles Durand
Pas sûr qu’il gravisse les marches de Cannes. Mais qu’importe, le conte de fées est déjà complet pour Daniel Vannet. Ce quinquagénaire qui ne savait ni lire, ni écrire il y a encore quelques années, est invité, mardi, au festival pour présenter le film Willy 1er dans lequel il tient le rôle principal. Un film sélectionné dans une catégorie à part, organisée par l’Association pour le cinéma indépendant pour sa diffusion (Acid).
Son « trèfle à quatre feuilles »
Pourtant, absolument rien ne destinait cet enfant de l’Avesnois, au cinéma. « Quand il a tourné ce film l’hiver dernier en Normandie, je lui avais dit en plaisantant que je l’accompagnerai s’il était sélectionné à Cannes. Jamais je n’aurais imaginé que ça arriverait », raconte Caroll Weidich, directrice et fondatrice de Mots et Merveilles, une structure d’alphabétisation installée à Aulnoye-Aymeries. Le « trèfle à quatre feuilles » de Daniel Vannet, comme il aime la qualifier. « C’est grâce à elle et aux formateurs de Mots et Merveilles que j’ai appris à lire. Ça a totalement changé ma vie », glisse Daniel Vannet.
« Daniel a été notre premier inscrit en 2008 », se souvient Caroll Weidich. A l’époque, il venait d’apprendre qu’il avait été escroqué pendant plus de vingt ans par des employeurs indélicats qui lui avaient fait signer un contrat à mi-temps alors qu’il y travaillait à temps complet.
« A l’école, je ne voulais pas apprendre à lire et je ne faisais que des bêtises. Les seuls moments que j’appréciais, c’est quand le directeur me faisait balayer la cour. Je m’en veux aujourd’hui », avoue-t-il.
Le premier prix d’interprétation à Clermont-Ferrand
C’est un reportage sur l’illettrisme, diffusé en 2012 sur France 2, qui met en relief les talents d’acteur du Nordiste. « Quatre étudiants en école de cinéma ont vu ce reportage. Ils ont contacté notre structure car ils souhaitaient réaliser un court-métrage sur le même sujet avec Daniel comme acteur principal. Ils adoraient son naturel et son talent d’improvisateur », explique Caroll Weidich.
Le court-métrage, baptisé Perrault, La Fontaine et mon cul, est sélectionné au festival de Clermont-Ferrand. Daniel et son accent du nord y décrochent même le premier prix d’interprétation. Rebelote avec une nouvelle récompense au Festival du Court de Lille. S’ensuivent les tournages d’un autre court-métrage, petite comédie sur l’homosexualité puis de ce premier long-métrage, Willy 1er, inspiré de la vie de Daniel, avec le même quatuor de jeunes réalisateurs*.
Fan de basket
« Cette fois, le tournage et l’adaptation ont été difficiles. D’autant qu’il souffre de la hanche et doit se faire reposer une prothèse depuis plusieurs semaines », souligne Caroll Weidich. « Il fallait refaire certaines scènes quinze fois », ronchonne Daniel qui découvre néanmoins une nouvelle notoriété. « En ce moment, François Hollande n’a pas autant de feuilles que moi dans le journal », rigole-t-il.
C’est finalement dimanche qu’il doit se rendre à Cannes, par le train. « J’espère qu’il ne sera pas annulé, que je ne sois pas obligé de prendre le bus ! ». Car samedi, avant de partir, l’homme a une autre mission à remplir : s’occuper du match de basket du club d’Aulnoye-Aymeries. « Je suis bénévole et si je ne suis pas là, il n’y a rien qui marche », assure-t-il.
* Ludovic et Zoran Boukherma, Marielle Gauthier et Hugo P. Thomas.