Lille: Quel est le lien entre l'ex-URSS et la tuberculose?
SCIENCES•Des chercheurs lillois et internationaux ont retracé l'histoire évolutive d'une souche multi-résistante de tuberculose...Mikaël Libert
Un vestige toxique de la guerre froide. Mardi, c'est la journée mondiale de lutte contre la tuberculose. A cette occasion, 20 Minutes revient sur une étude, publiée en janvier, dans la revue scientifique Nature Genetics.
Des chercheurs du centre d'infection et d'immunité de Lille sont parvenus à relier l'émergence d'une «souche» (variété) résistante de la tuberculose avec la chute de l'URSS.
Une famille vieille de 7.000 ans
«Nous avons dressé les empreintes génétiques de 5.000 souches recueillies dans 99 pays», explique Philip Supply, chercheur au CNRS à Lille et participant à l'étude. Ce travail de fourmi a permis d'identifier une famille de souches, la Beijing, dont les origines remontent à 7.000 ans aux confins de la Chine. L'analyse des génomes a aussi permis d'identifier des mutations génétiques possiblement associées à la résistance aux antibiotiques.
La lignée Beijing s'est répandue dans le monde au travers les âges en suivant les mouvements de populations de l'Est vers l'Ouest. «De grands événements de l'histoire de l'humanité, comme la révolution industrielle ou la première Guerre mondiale, ont favorisé l'expansion des souches Beijing de la tuberculose, poursuit Philip Supply. La densification ou les privations subies par les populations sont un terreau facilitant le développement de la maladie.»
Effondrement de l'URSS
Les scientifiques remarquent une perte de vitesse de la mycobactérie (germe responsable de la tuberculose) dans les années 60, coïncidant avec la généralisation des antibiotiques. La «décrue» est néanmoins de courte durée: dans les années 80, la tuberculose repart à la hausse.
«Nous avons identifié deux souches multirésistantes qui datent de la fin des années 80, au moment de l'effondrement de l'Union soviétique et de son système de santé publique, glisse Philip Supply. Moins de traitements, moins bon suivi des malades, les conditions idéales pour que l'épidémie reprenne.»
Pour le scientifique, c'est cette leçon qu'il faut retenir de l'Histoire: «Coûte que coûte, il faut maintenir les systèmes de contrôle et de lutte».