SOCIETELes aumôniers musulmans peuvent-ils éviter la radicalisation en prison?

Radicalisation en prison: Les aumôniers musulmans ne sont pas assez nombreux

SOCIETE«20 Minutes» fait le point sur la situation de l'aumônerie musulmane, après les accusations de radicalisation islamique dans les prisons...
Gilles Durand

Gilles Durand

Deux semaines après la tuerie de Charlie Hebdo, le premier ministre, Manuel Valls, a annoncé, mercredi, un renforcement de plus de 2.600 emplois dédiés à la lutte contre le terrorisme. Parmi les propositions, la création de soixante postes d'aumôniers musulmans en prison. 20 Minutes fait le point.

Il y aurait 60% de musulmans dans les prisons françaises?

Ce chiffre provient d'un rapport du député (UMP) Guillaume Larrivé, publié en juin 2014 et non d'un recensement officiel. Les statistiques ethniques et religieuses sont interdites en France. Il s'agit d'une estimation basée sur un livre publié en 2004 par le sociologue franco-iranien Farhad Khosrokhavar, spécialiste de l'islam en France, dont le dernier ouvrage sur La Radicalisation paraîtra en novembre, selon Le Monde. Jean-René Lecerf, conseillé muncipal (UMP) de Lille et ancien rapporteur de la loi pénitentiaire au Sénat, tempère cette proportion. «On recense 18.000 personnes qui pratiquent le jeûne du ramadan, soit environ un quart des détenus. Et parmi eux, on a aussi des gens qui adoptent cette pratique pour se rapprocher d'un groupe et obtenir une protection», explique-t-il. Dans la région, la proportion de musulmans en prison serait à peu prés équivalente.

Il n'y a pas assez d'aumôniers musulmans?

Sur les 160 aumôniers présents dans les 22 établissements du Nord-Pas-de-Calais, de la Picardie et de la Haute-Normandie, le culte musulman n'en compte que 24. «Nous pourrions très bien en augmenter le nombre, mais le culte musulman ne présente pas de candidats», constate Alain Jégo, directeur interrégional des services pénitentiaires. Lors d'un débat sur la religion en prison, organisée, lundi, par le Barreau des avocats de Lille, le recteur de la mosquée de Lille, Amar Lasfar, a fait une proposition, sur le ton de la plaisanterie: «Le rabin de Lille, Elie Dahan, accepte-t-il d'être aumônier chez nous?». «Il n'y a actuellement aucun juif incarcéré dans l'interrégion», venait d'annoncer Elie Dahan. «Nos deux religions ont beaucoup de points communs, mais ce serait un peu schizophrénique», sourit Samia Ben Achouba, responsable de l'aumônerie régionale.

Pourquoi le recrutement est-il difficile?

«Le problème est souvent financier, souligne Hassan El Alaoui Talibi, aumônier national musulman des prisons, installé à Villeneuve d'Ascq, près de Lille. Le défraiement est très faible et il doit être déclaré comme revenu. Cela fait perdre les droits sociaux alors que le peu qui est versé sert à peine à payer les frais de transports.» Mais le problème financier n'est pas le seul frein. Les retraités, dont le profil est a priori intéressant, rencontrent aussi des difficultés culturelles. «Ils s'adressent à une autre génération qui ne se considère pas, contrairement à eux, comme invité, mais bien chez elle, en tant que citoyen de droit français. Leur discours de moralité, "il faut être toujours bien mon fils, on n'est pas chez nous ici!", passent mal», admet Hassan El Alaoui Talibi.