Attaque de «Charlie Hebdo»: A Lille, les musulmans en ont ras-le-bol mais n'ont pas peur
SOCIÉTÉ•A l'issue de la prière du vendredi, l'état d'esprit des fidèles était à l'amertume...Mikaël Libert
Tout a changé, mais rien n'a changé. Vendredi, les fidèles musulmans étaient nombreux à assister au prêche de l'imam de la mosquée Al Imane, à Lille. Mais, deux jours seulement après l'attentat à la rédaction de Charlie Hebdo, une certaine tension était palpable au sein de la communauté.
«Le terrorisme n'a pas de religion»
Vendredi, dès 13h, les fidèles ont commencé à affluer en direction de la mosquée Al Imane, en plein milieu du quartier populaire de Lille-Sud. Très vite, la grande salle de prière s'est avérée trop petite pour accueillir tous les musulmans venus assister au prêche de l'imam, Amar Lasfar. A l'ordre du jour, un seul sujet: l'attentat à Charlie Hebdo. «Nous Français, nous avons connu notre 11 Septembre», tonne l'imam. «Le terrorisme n'a pas de religion, poursuit-il, et nous devons condamner sans aucune réserve de tels actes.»
Dans son prêche, Amar Lasfar se désole d'une «usurpation de l'islam» par des «ignorants qui se prétendent moudjahidin». «Pour nous, être un moudjahid, ça veut dire avoir de bonnes notes à l'école, être le meilleur dans sa discipline, être inséré dans la société», explique l'imam. Mustapha a assisté à la prière. «L'ignorance est du côté des terroristes, mais aussi du côté de ceux qui font l'amalgame avec les musulmans», assure, dépité, cet homme de 39 ans.
Beaucoup de fidèles participeront à la marche de samedi
On sent comme de la lassitude et un certain fatalisme dans les propos des fidèles. «Je suis triste quand je vois ce que certains font au nom de ma religion», soupire Driss, un habitué de la mosquée Al Imane. «Encore une fois, les musulmans vont être montrés du doigt. Que l'on prenne position ou non ne changera rien». A l'évocation des actes islamophobes perpétrés depuis l'attentat, Mustapha s'exclame: «Il n'y en a ni plus, ni moins que d'habitude. Nous vivons ça presque quotidiennement.» Mais ils n'ont pas peur et le disent fièrement: «Il y a eu des menaces contre les mosquées et pourtant nous sommes tous là aujourd'hui», clame un autre fidèle. Ce lieu de culte à déjà fait l'objet de plusieurs faits de vandalisme. «On nous avait accroché une tête de porc sur la porte et balancé de la peinture sur la façade, se souvient Amar Lasfar. On nettoie et on passe à autre chose, comme d'habitude.» L'habitude, la banalité d'être agressés en tant que musulmans. Un constat qui fait froid dans le dos.
Beaucoup affirment qu'ils participeront à la marche de soutien aux victimes de Charlie Hebdo organisée ce samedi à Lille. «Même si ce journal n'était pas tendre avec l'islam, c'est en tant que citoyens que nous faisons cette démarche», déclare Ali avant de reprendre le chemin du boulot.