Vidéo. Berck-sur-Mer: le retour des phoques ne fait pas que des heureux
Environnement•Les animaux marins qui ont trouvé refuge dans la Baie d'Authie attirent de plus en plus de touristes, mais inquiètent les pêcheurs...Gilles Durand
«On pêche ce que les phoques nous laissent». Pierre Viseux garde le sourire. Accroché à sa canne à pêche, sur la digue de la baie d'Authie, il a en point de mire une trentaine de veaux marins et phoques gris étendus à une centaine de mètres, sur un banc de sable. Le bras d'eau qui sépare l'homme de l'animal suffit à la quiétude de ce dernier. Comme les touristes venus nombreux en ce vendredi ensoleillé, ce «pêcheur du dimanche», comme il se qualifie, s'est habitué à la présence régulière des phoques depuis cinq ans. «L'an dernier, il y en a un qui est venu manger le bar que je remontais, sous mes yeux. Face à une bestiole de 300kg, je n'ai pas insisté», raconte-t-il. «Il faut faire vite pour récupérer les poissons», complète Alain. Lui possède un petit bateau, alors, désormais, il va pêcher au large.
Un animal protégé
D'autres prennent la situation avec moins de philosophie. Un collectif «contre la prolifération des phoques» a vu le jour. Leurs membres se réunissaient, samedi, pour exprimer leur ras-le-bol. «Les dégâts provoqués par les loups ont été reconnus par le gouvernement qui autorise des tirs, il faut reconnaître celui qui est provoqué par les phoques», assène Fabrice Gosselin, président de cette association. Car l'animal est protégé depuis 1972. Mais la présence des phoques cristallise un problème beaucoup plus complexe pour les pêcheurs. Problème qui ne date pas du retour des phoques. «Notre métier disparaît faute de poissons», alerte-t-il. Selon lui, il ne reste que 750 poseurs de filets sur toute la côte d'Opale, soit quatre à cinq fois moins qu'avant.
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Du côté des associations de protection de la nature, le discours est différent. Jacky Karpouzopoulos, président de la Coordination mammalogique du Nord de la France amorce une autre explication à ce déficit de poissons. «La surpêche industrielle fait beaucoup plus de dégâts que les phoques», affirme-t-il. Son association a répertorié environ 700 phoques qui fréquentent régulièrement le littoral du Nord et de la Picardie. Avec 5kg de poissons comme repas quotidien, le manque à gagner des pêcheurs serait de 3,5 tonnes par jour. «Il y en a 250.000, si on compte ceux qui viennent des côtes britanniques», conteste Fabrice Gosselin qui se plaint aussi du retour des cormorans et réclame «de connaître l'état exact de la biomasse des ressources en poissons».
«Comme les marmottes»
Quoi qu'il en soit, ces phoques, qui avaient quasiment disparu des rivages dans les années 50, à cause de la chasse, font désormais le bonheur des touristes. «Ils créent un motif de séjour, comme l'observation des marmottes en montagne, explique François Goudeau, de l'Office de tourisme de Berck-sur-Mer. Plus d'une demande sur deux, à l'office, porte désormais sur les phoques. A quelle heure et où on peut les observer. Ils deviennent aussi un but de promenade le long du front de mer.» Cela n'empêchera pas les anti phoques de manifester, à nouveau «un gros mouvement d'humeur», le 30 octobre, à Merlimont. Ce jour-là, les parcs marins - dont la baie d'Authie fait partie - se réunissent. Nul doute que le phoque sera au cœur des discussions.