Quelle est l’origine de l’expression « crétin des Alpes » ?

Ah, les Alpes… leurs paysages enchanteurs, leurs chalets folkloriques, leurs pistes de ski immaculées, leur spectaculaire Mont-Blanc et… leurs crétins ? Jusqu’aux années 1920, en tout cas, car si le crétin des Alpes a disparu de nos territoires, il n’est pas, contrairement au dahu, un être imaginaire.

La crétinerie alpine, ou la « hype » du XIXe siècle

Au XIXe siècle, l’aristocratie se met au tourisme : quoi de plus glamour, en effet, que d’explorer le continent européen, son patrimoine historique et ses merveilles naturelles ? Terre presque vierge pour les citadins d’alors, les Alpes séduisent les élites – dont les écrivains, qui aiment coucher leurs récits de voyages sur le papier. Or, stupeur et tremblements : ils découvrent que les Alpes regorgent… de crétins.

De la littérature à la médecine

Retard mental sévère, troubles psychomoteurs, difformités, petite taille, gonflement de la thyroïde… Les symptômes sont dévastateurs et le phénomène d’importance, puisque quelque 20.000 « crétins des Alpes » sont recensés en France. Ils fascinent Balzac, Hugo, Flaubert, Daudet ou encore Dickens, mais surtout les médecins, qui veulent à tout prix résoudre l’énigme de ce handicap qu’ils nomment « crétinisme ». De la théorie de la race à la consanguinité en passant par l’intoxication et le climat : toutes les hypothèses y passent.

Une enquête scientifique qui dure plus d’un siècle

Preuve s’il en fallait que les découvertes scientifiques sont rarement l’œuvre d’un seul homme (ou d’une seule femme), c’est une longue suite de chercheurs qui, du Suisse Jean-Baptiste Boussingault en 1825 à l’Américain Jesse Francis McClendon en 1923, avancent, testent et, finalement, démontrent l’hypothèse selon laquelle le problème vient… d’une carence en iode. Et en effet, non seulement cet élément est peu présent dans les terres alpines, mais un régime maigre en poisson, source notoire d’iode, y prévalait.

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Ne restait plus qu’à trouver un remède universel. Le Suisse Otto Bayard suggère d’introduire l’iode dans tous les foyers… en l’intégrant au sel de table. Très vite, les États des pays développés rendent cet ajout obligatoire et le crétin des Alpes… disparaît de nos contrées. Comme quoi, quand on vous dit de ne pas manger trop gras, trop sucré, trop salé… Ne faites quand même pas complètement l’impasse sur le sel.

De la médecine à la bande dessinée

Du coup, si la maladie est éradiquée depuis un siècle, pourquoi l’expression, désormais une insulte, fait-elle encore partie de notre vocabulaire ? Ce n’est pas les écrivains du XIXe siècle, mais Hergé, l’auteur de Tintin, qu’il faut remercier : en mettant régulièrement cette injure dans la bouche du capitaine Haddock, il l’a popularisée dans la seconde moitié du XXe siècle. Vous avez compris, bande de bachi-bouzouks ?