Une filiale de l’Ifremer au tribunal pour des agressions sexuelles

Metoo dans la marine : « La hiérarchie ne disait rien »… Une filiale de l’Ifremer au tribunal

procèsDeux anciens marins, la société Genavir et son ancien directeur font face aux accusations de cinq femmes qui travaillaient à bord
20 Minutes avec AFP

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Son nom ne vous dit peut-être rien. Mais dans le milieu de la recherche et de l’océanographie, elle fait figure de référence. La société Genavir, filiale de l’Ifremer qui opère la flotte océanographique française, est jugée depuis mardi devant le tribunal correctionnel de Brest pour harcèlement, agressions sexuelles et discrimination. Cinq femmes qui travaillaient à bord des navires accusent deux hommes d’avoir multiplié les gestes et les comportements inappropriés. Une forme de « MeToo de la marine » amorcé par des témoignages accablants.

Au-delà de ces deux prévenus, la justice doit aussi évaluer le rôle de l’entreprise et de son ancien dirigeant, accusés d’avoir couvert ces agissements. « On était éprouvées que le comportement se répète, que la hiérarchie le voie, ne dise rien, voire en rigole », a décrit une matelote du bateau Pourquoi pas, la gorge serrée, en décrivant un « environnement sexiste et maltraitant ».

Blagues graveleuses, mains aux fesses, prostituées invitées lors de soirées à bord, photos de femmes nues dans les cabines… Cinq anciennes membres d’équipage ont témoigné du harcèlement et de ces agressions vécues entre 2015 et 2019 à bord des navires de recherche de Genavir, filiale à 100 % de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer). « Quand il était très alcoolisé, il s’effondrait sur nous, essayait de nous embrasser et de nous toucher les seins », a raconté cette même victime.

« Je ne pouvais plus bouger »

En mars 2017, elle s’était réveillée dans sa cabine avec le chef mécanicien, Philippe T. allongé sur elle, lui tenant les mains. « Je ne pouvais plus bouger. Une peur primaire s’est installée », a confié la matelote, qui était parvenue à se dégager en assénant un coup au ventre de son collègue, en état d’ébriété avancé.

Poursuivi pour harcèlement et agression sexuels, ce chef mécanicien a reconnu les faits tout en déclarant ne pas s’en souvenir. « J’ai vraiment honte de ce comportement », a-t-il dit à la barre, affirmant avoir été « débridé par l’alcool ». La limitation de l’alcool à bord faisait justement face à une « forte résistance des officiers et de la communauté scientifique », s’est défendu l’ancien directeur général de Genavir.

« Si j’avais eu connaissance »…

Il est notamment reproché à la société, qui voulait féminiser son personnel navigant, de ne pas avoir mis en place suffisamment tôt des mesures permettant de prévenir et de faire cesser le harcèlement sexuel. L’ancien directeur général a affirmé n’avoir eu connaissance des faits de harcèlement que très tardivement, en juillet 2020. « Si j’avais eu connaissance de ce que j’ai entendu aujourd’hui, j’aurais réagi immédiatement », a-t-il affirmé à la barre. « Le patron, c’est souvent la dernière personne qu’on prévient. » Le procès doit se terminer jeudi.