« Je trouve ça drôle »… Des plateaux au tribunal, l’ode à la vulgarité de Depardieu

Procès Gérard Depardieu : « Oui, je suis grossier »… Des plateaux au tribunal, une même ode à la vulgarité

« C’est Gérard »Au terme de quatre jours de procès, la personnalité grossière et l’ambiance vulgaire qu’impose Gérard Depardieu sur les plateaux de tournage ont fait l’unanimité entre toutes les parties
Cécile De Sèze

Cécile De Sèze

L'essentiel

  • Ce jeudi, au quatrième et dernier jour du procès de Gérard Depardieu pour agressions sexuelles, le procureur a requis 18 mois de prison avec sursis.
  • Deux femmes l’accusent d’attouchements sur le tournage du film « Les Volets verts » en 2021.
  • Tout au long des débats, les différents témoins, les plaignantes et le prévenu lui-même ont livré le portrait d’un homme rustre, grivois, grossier et bien souvent « misogyne ».

Au tribunal correctionnel de Paris,

« Il n’est pas les hommes qu’il a joués, il est Gérard Depardieu, misogyne parmi les misogynes », dénonce une avocate des parties civiles. De Gérard Depardieu lui-même aux techniciens en passant par les plaignantes, il y a bien une chose qui fait l’unanimité dans ce dossier et dans le procès de l’acteur, qui s’achève ce jeudi : les grossièretés éructées par l’imposant comédien, tant par sa silhouette que par sa carrière. Oui, il est vulgaire, mais cela fait-il de lui un agresseur sexuel ? C’est ce que le tribunal correctionnel de Paris doit décider après quatre jours de procès.

Des grossièretés pour « s’amuser »

Depuis la promotion des Valseuses aux Etats-Unis, Gérard Depardieu traîne cette réputation de violeur. Lui l’explique par une erreur de vocabulaire d’un journaliste américain qui aurait mal compris une interview. Sur les plateaux, pourtant, « tout le monde sait très bien qu’il va mettre des mains aux fesses, avoir des mots », rétorque Lucie, une costumière venue témoigner de sa propre agression. Elle ne fait pas partie des deux plaignantes qui accusent le comédien de les avoir agressées sexuellement sur le tournage des Volets verts en 2021. Les faits que Lucie décrit remontent à 2014.

Depuis toujours, Gérard Depardieu « s’amuse » à balancer ce qu’il appelle « des grossièretés ». « Oui », il a certainement dit sur ce tournage « Chatte, chatte allons-y parce que je mouille ». Ou « Il fait tellement chaud que je ne peux pas bander ». « Ça m’arrive souvent, je trouve ça drôle », répond-il au tribunal. Il aime aussi « des claques sur la fesse de gars, juste avant le clap », pour provoquer « un éclat de rire et puis voilà ». « Une sorte de provocation, un jeu, sa manière d’être », plussoie le chef opérateur son. Des « écarts de langage » aussi bien « avec les femmes qu’avec les hommes », souligne le directeur de la photographie. Beaucoup l’excusent parce que « c’est Gérard ».

L’extravagance de « génie »

Un ton que son garde du corps met sur le compte « d’une espèce de liberté qui peut gêner certains ». C’est même ce qui fait son « génie », à en croire son « amie » de toujours Fanny Ardant. Cette « contradiction, dit-elle, une diversité, avec le bien, le mal, la lumière, l’ombre », cette « forme de génie [qui] porte quelque chose d’extravagant, d’insoumis, de dangereux, d’incarner et le monstre et le saint. Gérard a toujours tout donné comme un volcan, avec le bien avec le mal, c’est un risque à courir ».

Gérard Depardieu affiche sans retenue ses liens avec l’actrice, qui l’embrasse à la fin de son témoignage. Il se retourne souvent pour faire une grimace ou un clin d’œil à ses proches venus le soutenir. Serre la main aux témoins venus le défendre à la barre. On devine la satisfaction d’être dans les bonnes grâces de l’acteur. D’aucuns pourraient être séduits par les rôles immenses du comédien, de Cyrano de Bergerac à Jean Valjean en passant par Obélix. Mais Me Claude Vincent, avocate de Sarah *, de rappeler : « Il n’est pas les hommes qu’il a joués, il est Gérard Depardieu ».

Ces grossièretés créent une atmosphère particulière sur les plateaux où, du haut de ses plus de 200 films, Gérard Depardieu semble trôner. « Gérard dit ce qu’il pense. Il fait ce qu’il veut », résume son garde du corps. Sur son cube de machino, le même qui lui sert de chaise pendant le procès, l’acteur de 76 ans vocifère, hurle, s’impatiente, s’agace. D’autant plus quand il fait chaud, d’autant plus à la fin d’une semaine de tournage. Dans la salle d’audience aussi, il se laisse déborder par l’émotion, s’emporte à la barre, lance à l’une des avocates des parties civiles : « J’aime la féminité mais pas les femmes qui sont dans l’hystérie ».

L’écœurement, des paroles aux gestes

Rapidement, l’ambiance d’un tournage peut ainsi basculer de « rigolade » à une atmosphère plus gênante. Sur celui des Volets verts, « il gesticule, il grogne, il interpelle les gens qui passent, les femmes, il fait toujours un commentaire », se souvient Amélie, une des plaignantes. « Il parle de sexe tout le temps, de chatte. Il écoute tout ce qu’il se passe et l’utilise pour humilier les personnes sur le tournage, un environnement pas sain », abonde Sarah, la seconde plaignante. « Oui, Gérard, il prend de la place, il a une grande gueule, il dit des grossièretés. Il aime faire l’idiot sur un tournage. Ça aide, avec le trac, de faire l’idiot », contre-attaque Fanny Ardant, qui jure n’avoir « jamais rien vu de choquant ».

Les grognements, les râles. « Pipi caca, chatte, graveleuses, allusions sexuelles, enculé, oh ta chatte, salope, connasse, propos à caractère sexuel, propos odieux, réflexions, sperme, bite, couilles, emmerdeuse… Je sais faire jouir les femmes sans les toucher, viens toucher mon gros parasol je vais te le foutre dans la chatte »… Une litanie sortie du dossier par Me Claude Vincent. Des vulgarités proférées à longueur de journée, selon tous les témoins, et même le prévenu. C’est « l’ambiance qu’il impose aux personnes autour de lui », souligne l’avocate dans sa plaidoirie.

Notre dossier sur Gérard Depardieu

Un climat de rigolade, de légèreté pour certains. Un écœurement pour les autres. Oui, « je suis un vulgaire, un grossier, un ordurier, je veux bien, mais je ne suis pas que ça, je respecte les gens », se défend finalement Gérard Depardieu, « honteux » d’être traité de « gros dégueulasse », « de gros porc » depuis trois ans. « Je ne suis pas un toucheur, un violeur », affirme-t-il avant d’être qualifié d’« homme dangereux » par une des témoins.

Des blagues, peut-être, mais ce sont pour des gestes qu’il se trouve devant la justice. Le ministère public, considérant qu’il « s’agit matériellement et intentionnellement d’agressions sexuelles », a requis 18 mois de prison avec sursis à l’encontre de Gérard Depardieu. Il sera fixé le 13 mai à 10 heures. Il est par ailleurs mis en examen pour viol dans un autre dossier, pour lequel un procès a été requis par le parquet.

*Le prénom a été modifié