Meurtre de Victorine : « J’ai honte d’avoir été sa femme »… Le témoignage de l’ex-épouse de Ludovic Bertin, moment « choc » du procès
Assises•Le procès du Ludovic Bertin s’achèvera vendredi. La semaine de débats a notamment été marquée par le témoignage de l’ex-femme de l’accuséCaroline Girardon
L'essentiel
- Ludovic Bertin est jugé jusqu’à la fin de la semaine pour le meurtre en 2020 de Victorine Dartois et le viol d’une autre jeune femme, en septembre 2018.
- Jeudi, l’avocate générale a demandé la réclusion criminelle à perpétuité à l’encontre de l’accusé.
- Ce procès, qui touche à sa fin, a notamment été marqué par le témoignage, mardi en fin de journée, de l’ancienne épouse de Ludovic Bertin. Témoignage qui a glacé la salle d’audience.
A la cour d’assises de l’Isère,
Un hurlement soudain, suivi de longs sanglots douloureux. Derrière l’écran relié à la salle d’audience de la cour d’assises de l’Isère, Samia* s’écroule, paniquée et le corps secoué de pleurs, sans pouvoir se calmer. « Elle avait dit qu’elle ne voulait pas le voir », s’insurge sa sœur qui se précipite à ses côtés. Mais le mal est fait. Quelques secondes auparavant, la caméra de la salle d’assises s’est braquée en direction de l’avocat de la défense, laissant apparaître en arrière-plan dans le box des accusés, son ex-mari Ludovic Bertin, lequel est jugé pour le meurtre de Victorine Dartois et le viol d’une autre jeune femme prénommée Vicky.
« Je n’ai pas contrôlé mes émotions », s’excuse Samia, après une longue suspension d’audience. Et d’ajouter : « je me suis sentie pas bien quand j’ai vu son visage. Je vais faire des cauchemars. » La jeune femme a pourtant confessé, avant cet incident, avoir été très réticente à l’idée de venir témoigner, de « peur de croiser son regard » et de « tomber dans les pommes ». « Je n’aurais pas réussi à m’exprimer ». Mais la jeune maman a finalement franchi le pas, acceptant de déposer par visioconférence, « pour la famille de Victorine ». Ses confidences, livrées mardi en fin de journée, ont été un moment « choc » du procès qui touche à sa fin ; l’avocate générale ayant requis ce jeudi la réclusion criminelle à perpétuité contre l’accusé.
Du « rêve de gosses » aux humiliations
« J’ai honte d’avoir été sa femme », résume Samia. Ludovic Bertin, rencontré à l’âge de 16 ans, était son amour de jeunesse. Et leur « rêve de gosse » était de se passer la bague au doigt. Mais à partir de 18 ans, et après trois mois d’emménagement, la jeune Iséroise a progressivement perdu ses illusions. « C’était la cata. Il a commencé à me taper. Et ça ne s’est jamais arrêté. J’étais humiliée et rabaissée tout le temps. J’étais amoureuse, je me disais qu’il allait changer, mais il recommençait », raconte-t-elle, listant la liste de ses nombreuses infidélités et des violences subies, notamment à l’approche de leur mariage.
Découvrant que son futur époux échange de sulfureux messages avec une autre, elle refuse de signer le papier demandé par la mairie. Et récolte, en retour, « des coups de poing sur les jambes ». « Il est parti chercher un torchon, me l’a mis sur le visage et a versé de l’eau dessus jusqu’à ce que je signe ». Une autre fois, ce sont « les coups de balai » et le téléphone jeté dans l’aquarium, parce qu’elle vient de le surprendre devant un film porno. A l’issue de la dispute qui s’ensuit, elle tente de s’enfuir en « courant à quatre pattes » mais reçoit « un coup de poing dans les dents ». « Je n’arrivais plus à respirer, tellement je pleurais », poursuit-elle devant une salle médusée. Même sentiment d’effroi lorsque la jeune femme revient sur la veille de son accouchement. Ludovic Bertin se grille en lui envoyant par mégarde une photo des fesses d’une conquête éphémère. Humiliée, l’épouse décide de quitter le domicile. « Il s’est mis des coups de couteau dans les jambes pour me supplier de rester. Ça m’a traumatisée et ce qui a déclenché mon accouchement », assure Samia.
« Détruite de l’intérieur »
« Détruite de l’intérieur », la jeune femme aux longs cheveux noirs, a fait part tardivement de ces violences au cours de l’instruction. « J’ai mis beaucoup de temps à en parler. Je me disais que j’étais encore en vie, donc je n’avais pas le droit de me placer en victime, justifie-t-elle, les mains nouées sur ses jambes. Désormais, j’essaie d’oublier son visage. »
Aujourd’hui, son fils, qu’elle tente de protéger au mieux, est sa « seule raison de vivre ». Au moment de le sentir bouger dans son ventre, elle a « compris » que le sentiment éprouvé envers Ludovic Bertin pendant dix ans de relation chaotique, « c’était de la peur, pas de l’amour ». Depuis, elle a cessé toute visite au parloir et coupé les ponts pour tenir son petit garçon le plus éloigné possible de son père. « Je lui ai dit que son papa est dans une maison fermée à clé car il a fait trop de bêtises et dit trop de gros mots. Je n’ai toujours pas trouvé la fameuse histoire pour qu’il comprenne, sanglote-t-elle. Il me demande quand son papa va sortir. J’aimerais lui dire que la clé est perdue. Je n’ai même pas envie qu’il sache qui est son père. »
Amené à répondre à ce témoignage accablant, l’accusé, qui s’était défendu d’être un « tyran » envers son épouse, lâche sèchement : « ce ne sont que des mensonges, son témoignage a été orienté par sa sœur. » Le verdict est attendu ce vendredi.
*Le prénom a été modifié