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Les parents de Samuel Paty déterminés « à poser les questions qui les hantent »

Procès Samuel Paty : Les parents du professeur déterminés « à poser toutes les questions qui les hantent »

COMPTE RENDULe procès de huit adultes accusés d’avoir aidé ou incité le terroriste qui a tué Samuel Paty en octobre 2020 s’est ouvert ce lundi à Paris
Thibaut Chevillard

Thibaut Chevillard

L'essentiel

  • Huit adultes, sept hommes et une femme, comparaissent depuis lundi devant la cour d’assises spécialement composée. Ils sont poursuivis pour avoir aidé ou incité le terroriste qui a assassiné Samuel Paty en octobre 2020 à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines).
  • Parmi les accusés figurent Brahim Chnina, le père de la collégienne qui avait affirmé de façon mensongère que le professeur d’histoire-géographie avait demandé aux élèves musulmans de quitter sa classe avant de montrer des caricatures de Mahomet, et Abdelhakim Sefrioui, un militant islamiste franco marocain de 65 ans.
  • Les parents de la victime sont déterminés « à savoir précisément ce qu’il s’est passé, à obtenir des explications, et à poser toutes les questions qui les hantent » depuis le 16 octobre 2020, explique leur avocate, Me Virginie Leroy.

A la cour d’assises spécialement composée

Ce rendez-vous judiciaire, les parents de Samuel Paty l’attendent depuis quatre ans. Mais, Jean, le père du professeur d’histoire-géographie assassiné à Conflans-Sainte-Honorine, a récemment été victime d’un accident. Et il ne pourra pas être présent à l’audience, vendredi, pour répondre aux questions de la cour d’assises spécialement composée. Son épouse, Bernadette, se rendra donc sans lui au palais de justice de Paris, sur l’île de la Cité, « pour déposer en son nom également ». Car tous deux sont déterminés « à savoir précisément ce qu’il s’est passé, à obtenir des explications, et à poser toutes les questions qui les hantent » depuis le 16 octobre 2020, explique leur avocate, Me Virginie Leroy.

L’assassin de leur fils, Abdoullakh Anzorov, a été tué par la police peu après l’avoir poignardé et décapité. Mais huit personnes sont suspectées d’avoir aidé ou incité le jeune russe de 18 ans, un islamiste radicalisé d’origine tchétchène, à commettre cet attentat. Leur procès, qui doit durer sept semaines, s’est ouvert ce lundi matin. « On a quand même deux accusés renvoyés pour complicité d’assassinat terroriste, six autres pour association de malfaiteurs terroristes. Les responsables sont là. Reste à dégager leur degré d’implication, à avoir les réponses aux questions et à obtenir des peines qui sont à la hauteur de ce qu’il s’est passé », insiste la pénaliste devant la presse.

Campagne de haine

A 10 heures, le président de la cour, Franck Zientara, ouvre l’audience. Comme il est d’usage, le magistrat chevronné commence par appeler les accusés pour vérifier leur identité. Parmi eux, Brahim Chnina, 52 ans. Barbe et cheveux blancs, pull gris, chemise noire, il est le père de la collégienne de 13 ans qui a menti en affirmant que Samuel Paty avait demandé aux élèves musulmans de quitter sa classe avant de montrer des caricatures de Mahomet. L’adolescente, condamnée l’automne dernier à 18 mois de prison avec sursis pour dénonciation calomnieuse, sera entendue par la cour le 26 novembre. Celui qui travaillait, avant son incarcération, comme « aide à domicile pour les personnes malades », est accusé d’avoir lancé une cabale contre l’enseignant de sa fille pour obtenir son exclusion.

Pour cela, il avait sollicité l’aide d’Abdelhakim Sefrioui, un militant islamiste franco marocain aujourd’hui âgé de 65 ans. Pull bleu, chemise et veste blanches, cheveux et barbe blancs, lunettes non cerclées, lui aussi comparaît détenu. Il avait contribué à la campagne de haine contre Samuel Paty en publiant sur les réseaux sociaux des vidéos dans lesquelles il qualifiait l’enseignant de « voyou enseignant ». Lui et Brahim Chnina encourent trente ans de réclusion criminelle. Son avocat, Me Vincent Brengarth, compte « demander son acquittement ». « Il ne peut y avoir de décision qui soit autre qu’un acquittement, car il n’a pas de lien avec l’auteur de l’attentat et il est établi que la vidéo à laquelle il a participé est postérieure à l’identification de la victime par l’auteur de l’attentat », assure-t-il dans la salle des pas perdus.

De jeunes complices présumés

Dans le box, les deux hommes sont assis aux côtés de Nabil Boudaoud et d’Azim Epsirkhanov, le seul à être tiré à quatre épingles. Agés de 22 et 23 ans, ces derniers sont suspectés d’avoir aidé Abdoullakh Anzorov à acheter des armes avant le drame. Nabil Boudaoud, originaire d’Evreux, est aussi poursuivi pour avoir conduit le terroriste à proximité du collège le jour des faits. Lui et Epsirkhanov sont poursuivis pour complicité d’assassinat terroriste, un crime passible de la réclusion criminelle à perpétuité.

Après avoir procédé à l’appel des témoins et des parties civiles – des membres de la famille de Samuel Paty, des professeurs et des policiers –, le président Zientara fait le point sur le planning du procès qui doit durer jusqu’au 20 décembre. « La première semaine sera consacrée à la présentation générale des faits, à la présentation des accusés et à la présentation générale de l’enquête et dans quel contexte sont survenus les faits », détaille-t-il avant de se lancer, une bonne partie de l’après-midi, dans un long résumé des faits reprochés aux accusés.

« Une condamnation à mort »

« Ce que nous attendons, c’est que la justice se montre à la hauteur du crime qui a été commis, un fait inouï dans l’histoire de la République, c’est la première fois qu’on assassine un professeur parce qu’il est professeur », déclare Me Francis Spziner, l’avocat de l’ex-femme et du fils de Samuel Paty, aujourd’hui âgé de 9 ans et demi. Avant de conclure : « Lorsque vous dites que quelqu’un a blasphémé et que vous êtes un militant aguerri avec une culture islamiste comme Monsieur Sefrioui, vous savez que vous prononcez une condamnation à mort. »