Mort de Rémi Fraisse : Dix ans après, où en est l’enquête ?
Homicide•Dans la nuit du 25 au 26 octobre 2014, Rémi Fraisse avait été tué par un gendarme, lors d’une manifestation contre un projet de barrage à Sivens, dans le TarnG.D.
L'essentiel
- La mort de Rémi Fraisse, jeune botaniste tué par un gendarme lors d’une manifestation contre un projet de barrage à Sivens, en 2014, a entraîné l’abandon du projet.
- Les procédures judiciaires ont débouché sur un non-lieu, sans aucun procès à la clé.
- La famille a finalement saisi la Cour européenne des droits de l'homme.
Il y a tout juste dix ans, la mort de Rémi Fraisse a marqué un tournant dans la lutte écologiste. Botaniste pour l’asso France Nature Environnement, le jeune homme de 21 ans avait été tué par un gendarme dans la nuit du 25 au 26 octobre 2014, lors d’une manifestation contre un projet de barrage à Sivens, dans le Tarn. Alors qu’un rassemblement est prévu, samedi, en hommage à Rémi Fraisse dans la forêt de Sivens, 20 Minutes fait le point sur l’affaire.
Le chantier du barrage abandonné
Il est 1h45 du matin, ce 26 octobre 2014, à L’Isle-sur-Tarn, commune où se trouve la forêt de Sivens. Voilà plusieurs mois que des militants manifestent pour s’opposer à la construction d’un barrage qui doit profiter à seulement une trentaine d’agriculteurs, comme le révèle un rapport cité par Reporterre, le premier média à avoir suivi le mouvement de contestation. Cette nuit-là, environ 3.000 personnes sont rassemblées et la tension monte rapidement avec les forces de l’ordre.
Une grenade offensive, lancée par un gendarme mobile, se coince entre le dos et le sac à dos de Rémi Fraisse qui est tué sur le coup par l’explosion. Quelques heures plus tard, le chantier du barrage est suspendu. Le projet à neuf millions d’euros, qui a eu le temps de détruire l’une des dernières grandes zones humides du département, est finalement abandonné l’année suivante, en 2015, par la ministre de l’Environnement, Ségolène Royal.
Un non-lieu confirmé
Depuis, la mort de Rémi Fraisse n’a donné lieu à aucun procès. La juge d’instruction chargée du dossier a ordonné, en 2018, un non-lieu pour le gendarme qui a lancé la grenade. Dans les réquisitions prononcées en 2017, le ministère public de la justice reconnaissait pourtant que Rémi Fraisse était « une victime pacifique qui n’avait participé à aucune violence », racontait, à l’époque, Me Arié Halimi, l’avocat du père du jeune homme, sur France Info.
Le non-lieu a été confirmé en appel en 2020 puis définitivement validée par la cour de cassation en 2021. Selon la justice, le gendarme a fait un usage « absolument nécessaire » et « strictement proportionné » de son arme. « Ça a été très compliqué, explique une avocate de la famille, Me Claire Dujardin, également sur France Info. Il y a la violence des mots utilisés par les juridictions […]. Elles venaient dire que Rémi Fraisse n’avait pas à être là et qu’il était donc tout à fait normal d’utiliser une grenade face à d’importantes violences. C’est donc la faute à pas de chance. »
La grenade offensive, utilisée contre les manifestants cette nuit-là, a, elle, été interdite par les autorités quelques mois après la mort de Rémi Fraisse.
La Cour européenne des droits de l'homme saisie
Le tribunal administratif de Toulouse a, lui, considéré, également en 2021, qu’il y avait bien une « responsabilité sans faute » de l’Etat, condamné à indemniser les proches pour préjudice moral. Condamnation confirmée en appel, l’an dernier, en 2023.
Voir le dossier sur le projet de barrage de SivensLa famille a fini par saisir la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) pour comprendre pourquoi la notion d’homicide involontaire a été écartée par la justice française. « La Cour doit se prononcer sur les conditions du tir. Elle va peut-être remettre en cause l’appréciation de la juge d’instruction. Elle est également chargée d’apprécier la question du traitement judiciaire. La justice a-t-elle correctement traité cette affaire ? A-t-elle essayé de chercher la vérité ? », lance Arié Halimi, ce vendredi, sur France Inter.