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Le procès des viols de Mazan, une onde de choc mondiale

Procès des viols de Mazan : Une affaire suivie aux quatre coins du globe, une onde de choc « universelle »

AnALYSEDe nombreux journalistes internationaux sont présents à la cour criminelle du Vaucluse pour raconter le procès des viols dont a été victime Gisèle Pelicot
Caroline Politi

Caroline Politi

L'essentiel

  • De nombreux correspondants internationaux suivent le procès des viols de Mazan, un sujet qui dépasse largement les frontières de l’Hexagone.
  • « Au début, on était plus sur l’histoire qui est vraiment hors norme, mais petit à petit, l’intérêt s’est déplacé autour de la figure de Gisèle Pelicot », précise Raquel Vallaécija, correspondante pour le quotidien espagnol El Mundo.
  • Au-delà de l’affaire en elle-même, tous les correspondants dressent le parallèle avec la justice de leur pays.

L’onde de choc a largement dépassé les frontières de l’Hexagone. Des Etats-Unis à l’Inde, de l’Espagne à la Grande Bretagne, le procès des viols de Mazan est suivi avec attention aux quatre coins du globe. A l’exception de celui des attentats du 13 Novembre, on n’avait jamais vu tant de correspondants étrangers se presser à une audience. « Ce n’est pas un fait divers comme un autre, il y a quelque chose d’universel dans l’histoire de Gisèle Pelicot, toutes les femmes se sentent concernées. C’est un peu comme l’affaire Weinstein [à l’origine du mouvement #MeToo], cela va au-delà de l’histoire personnelle », analyse Catherine Porter, du New York Times.

Depuis l’ouverture du procès, elle multiplie les allers-retours entre Paris et Avignon. Chacun de ses articles fait partie des plus lus du site, génère des centaines de commentaires. Raquel Vallaécija, correspondante pour le quotidien espagnol El Mundo, fait le même constat. Le podcast autour de ce dossier a même battu tous les records depuis son lancement. « Au début, on était plus sur l’histoire qui est vraiment hors norme, mais petit à petit, l’intérêt s’est déplacé autour de la figure de Gisèle Pelicot. Elle est devenue une icône, elle se sacrifie pour que la honte change de camp. C’est très fort. Et de fait, elle y parvient. » La journaliste espagnole note qu’elle ne se cache pas, à l’inverse des accusés qui fuient les caméras et dissimulent leur visage derrière des masques chirurgicaux et des capuches.

« Une évidence »

Avant l’ouverture du procès, une trentaine de médias dont cinq étrangers étaient accrédités. Mais dès les premiers jours, les demandes se sont multipliées. Désormais, ce sont un peu plus d’une trentaine de médias étrangers qui suivent les audiences. « A partir du moment où Gisèle Pelicot a fait le choix d’un procès public en ne demandant pas de huis clos, le suivi de ce procès était une évidence », précise Catherine Porter. Et ce malgré une actualité politique très chargée par ailleurs. « Le jour du discours de politique générale, je jonglais entre le procès et Michel Barnier à l’Assemblée, c’était le grand écart », sourit la correspondante d’El Mundo.

Au-delà de l’affaire en elle-même, tous les correspondants dressent le parallèle avec la justice de leur pays. Ainsi, pour les journalistes anglais, très présents depuis l’ouverture du procès, le fait de ne pas publier les photos et les noms des accusés est un mystère. « Ça donne le sentiment que votre justice protège plus les mis en cause que les victimes », estime l’un d’eux qui préfère rester anonyme.

Ainsi, s’il n’y a quasiment aucun cliché de Dominique Pelicot dans la presse française, on en trouve des dizaines dans les médias d’outre-manche. La manière d’aborder le sujet varie également. En Grande-Bretagne, on explore davantage le domaine de l’intime, la dérive criminelle de ces hommes qui, pour la plupart – Dominique Pelicot en tête –, était parfaitement insérés.

En Espagne, pays de référence en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, l’angle sociétal prime. Raquel Vallaécija établit un parallèle entre ce dossier et une affaire espagnole – la « meute » – qui a profondément marqué la société : le viol en réunion d’une jeune femme ivre, lors des fêtes de Pamplune. « Cette affaire a eu un retentissement énorme, elle a fait changer la loi chez nous sur la notion de consentement », précise la journaliste. Sera-ce également le cas ici ? Didier Migaud, le ministre de la Justice, s’est dit favorable à une évolution juridique. « Dans tous les cas, je pense que l’affaire Pelicot aura ouvert le débat sur ces questions. Même en Espagne, les gens en parlent entre eux. Au resto, dans les bars, en famille… C’est un vrai sujet alors même que ça ne passe pas chez nous. »

Signe de cette couverture médiatique hors norme : Gisèle Pelicot reçoit, depuis le début du procès, des milliers de messages de soutien des quatre coins du globe. Chaque jour, des dizaines de lettres venues du monde entier affluent à son intention directement au palais de justice d’Avignon. Europe, Etats-Unis, Australie… « Nous avons même reçu un courrier du Kurdistan irakien », précise l’un de ses avocats, Me Antoine Camus. Une preuve, s’il en était besoin, de la dimension universelle de cette affaire.