Procès des assistants du RN : Prévenus, éléments à charge, défense de Marine Le Pen… On vous explique tout
Récap'•Marine Le Pen et 24 autres personnes sont jugées à partir de lundi pour détournements de fonds publicsX.R. avec AFP
La justice sera-t-elle encore « trop laxiste » ? Le procès de Marine Le Pen, et de 24 autres personnes liées au RN, s’ouvre ce lundi à Paris. Elles sont jugées pour détournements de fonds publics, en l’occurrence ceux du Parlement européen. Après une plainte déposée en 2015 et neuf ans d’enquête, la conclusion de l’affaire des emplois fictifs d’assistants parlementaires du RN est attendue le 30 novembre.
Qui sera à la barre ? Que risquent Marine Le Pen et les autres prévenus ? Quels sont les éléments incriminant ? Quelle est la défense du parti ? 20 Minutes vous résume l’affaire.
Pourquoi ce procès se tient-il ?
L’affaire commence en 2015, avec un signalement du président du Parlement européen Martin Schulz sur des contrats d’assistants parlementaires, couvrant alors une période allant de 2004 à 2016. Il soupçonnait ces assistants, qui ont eu toutes les peines du monde à expliquer en quoi consistait leur travail au cours de l’enquête, d’être des emplois fictifs.
Or, le salaire des assistants parlementaires européens est payé par Bruxelles, via l’enveloppe allouée aux députés européens. Dans le cas de ces emplois fictifs, le parquet soupçonne le RN d’avoir détourné une partie de cette enveloppe au profit des caisses du parti.
Qui est sur le banc des prévenus ?
Elle pourrait être le personnage principal de ce procès. Marine Le Pen, ex-cheffe du parti et ancienne candidate à la présidentielle, favorite des sondages pour la présidentielle de 2027, est aussi celle qui a le plus à perdre. Soupçonnée d’avoir mis en place le système de détournement, elle risque jusqu’à 10 ans de prison, un million d’euros d’amende, et dix ans d’inéligibilité.
A ses côtés, des cadres du parti, anciens ou actuels, comme Louis Alliot, figure historique du RN et maire de Perpignan, Bruno Gollnisch, l’ancien bras droit de Jean-Marie Le Pen, et Nicolas Bay, ex-cadre du parti qui a depuis rejoint Eric Zemmour. Au total, neufs élus, anciens ou nouveaux, dont Marine Le Pen, sont sur le banc des prévenus.
Ils y côtoient douze assistants soupçonnés d’avoir été des emplois fictifs, comme Catherine Griset, cheffe de cabinet de Marine Le Pen, une fonction qu’elle a cumulé lors de cinq mandats avec celle d’assistante. Thierry Légier, ancien garde du corps de Jean-Marie Le Pen, et Yann Le Pen sont aussi là, tout comme Julien Odoul, porte-parole hypermédiatique du parti. Wallerand de Saint-Just, ancien trésorier du parti, est aussi accusé pour complicité, tout comme Charles van Houtte et deux experts-comptables. Jean-Marie Le Pen, qui était aussi soupçonné dans cette affaire, ne comparaîtra pas en raison de son état de santé.
Quels sont les éléments les plus incriminants contre le RN ?
Les enquêteurs ont d’abord relevé plusieurs « incohérences » et « anomalies » sur les conditions d’emploi des fameux assistants, notamment sur leur localisation ou leurs missions. Certains n’ont mis que très tardivement les pieds à Bruxelles. C’est par exemple le cas de Julien Odoul qui, quatre mois après le début de son contrat, envoie un message à Marine Le Pen. « Marine, serait-il possible que je vienne à Strasbourg demain pour voir comment se déroule une session » au Parlement « et faire la connaissance de Mylène Troszczynski à qui je suis rattaché ? », écrit-il en février 2015. « Oui bien sûr », valide la cheffe du parti.
L’intention de créer un système pour détourner l’argent du Parlement européen est un élément déterminant de l’accusation. Or, en juin 2014, le trésorier Wallerand de Saint-Just insiste auprès de Marine Le Pen sur la nécessité de renflouer les caisses du parti. « Nous ne nous en sortirons que si nous faisons des économies importantes grâce au Parlement européen », écrit-il. Des contrats d’une journée à peine ont aussi attiré l’attention des enquêteurs.
Et dans ce dossier, certains prévenus ont parlé, évoquant une réunion avec Marine Le Pen à Bruxelles, durant laquelle elle aurait demandé qu’ils « recrutent un seul assistant par eux-mêmes, le reste de leur enveloppe devant être mis à la disposition du mouvement ». « Ce que Marine nous demande équivaut qu’on signe pour des emplois fictifs », écrit l’un des eurodéputés à Wallerand de Saint-Just à la sortie de la réunion.
Quelle est la ligne de défense du RN ?
Pour les juges d’instruction, ces éléments prouvent le « caractère systémique des détournements », devenus « un moyen de financement du parti ». Mais côté RN, on hurle au procès « politique » et à « l’acharnement ». « Nous n’avons rien à nous reprocher dans cette affaire », déclarait dans le Parisien mi-septembre Marine Le Pen, parlant d'« incompréhension entre le monde judiciaire et le monde politique ».
Selon elle, les assistants parlementaires ne sont « pas des salariés du Parlement européen » et ont « évidemment vocation, pour un certain nombre d’entre eux, à faire de la politique ». Plusieurs prévenus ont également évoqué une « mutualisation » du travail des assistants parlementaires, qui s’avèrent aussi être des salariés du parti (graphiste, pôle veille et perspective, chargé de suivi des élections départementales…), pour expliquer le manque de relations avec les eurodéputés. Des salariés « payés autrement » dès 2009, selon le tableau tenu par Wallerand de Saint-Just.