Procès des viols de Mazan : Face à l’absence de Dominique Pelicot, la cour obligée de jouer la montre
en suspens•L’absence de Dominique Pelicot, le principal accusé, place la cour dans une position inconfortable où elle tente tout pour éviter un report du procèsA.V. avec AFP
L'essentiel
- Jusqu’au 13 décembre, la cour criminelle du Vaucluse juge 51 hommes accusés notamment de viols sur Gisèle Pelicot, dans l’affaire de Mazan.
- Un procès qui risque bien d’être renvoyé à cause de l’état de santé du mari de la victime, Dominique Pelicot.
- La cour fait tout ce qui est possible pour éviter un tel scénario.
EDIT du 16 septembre 2024 à 18h21 : Dominique Pelicot sera en principe de retour à l'audience demain, mardi, après une absence de plus d'une semaine en raison de son état de santé. « On a reçu un message du président (de la cour) faisant valoir que Dominique Pelicot sera présent à l'audience demain avec des conditions particulières d'adaptation, à savoir: séquençage des auditions et temps de repos régulier », a indiqué son avocate Me Béatrice Zavarro.
A l’ouverture du procès des viols de Mazan le 2 septembre, Gisèle Pelicot, la principale victime de son ex-mari, avait impressionné par son courage et sa détermination, notamment en s’opposant fermement à la tenue à huis clos de ce procès hors norme, où sont jugés à Avignon 51 accusés pour viols aggravés.
Dominique Pelicot était, lui, dans le box des accusés et semblait en bonne santé, prêt à répondre de ses agissements qu’il a assumé tout au long de l’instruction. Mais voilà, après une semaine d’audience, l’état de santé de Dominique Pelicot s’est dégradé avec une infection aux reins et un calcul dans la vessie, provoquant son absence de l’audience tout au long de la seconde semaine de ce procès initialement prévu pour durer jusqu’au 13 décembre.
Si cette absence n’inquiétait pas outre mesure la cour en début de semaine dernière, la prolongation de son indisponibilité commence à menacer sérieusement la poursuite du procès. « S’il ne peut pas être là que lundi, nous pouvons reporter sur mardi, la semaine est souple. Après, si c’était une indisponibilité plus longue, on en rediscutera », avait averti jeudi dernier le président de la cour, Roger Arata, estimant par ailleurs qu’une absence prolongée serait « une catastrophe » pour ce procès. Jusqu’à envisager un report.
Le calendrier prévisionnel de ce procès-fleuve prévoyait à l’origine un premier interrogatoire de Dominique Pelicot le 10 septembre, après une journée consacrée aux expertises de sa personnalité. Mais son absence a changé l’agenda, contraignant la cour à avancer les auditions d’un premier groupe de co-accusés. Cette semaine, le tribunal était censé se pencher sur un second groupe de six accusés.
Aujourd’hui, il devient de plus en plus compliqué de poursuivre sans Dominique Pelicot, dont le témoignage est crucial aussi pour le jugement de ses co-accusés, et en l’absence duquel les parties civiles ne veulent pas déposer leur témoignage, a fait savoir Stéphane Babonneau, l’un de leurs avocats.
« Un scandale »
Pour espérer « sauver » le procès, la cour est désormais suspendue aux résultats de l’expertise médicale menée sur Dominique Pelicot et dont les résultats doivent être connus ce lundi soir. « Tant que nous n’avons pas cette expertise, nous ne pouvons pas nous positionner », a déclaré le président de la cour ce lundi matin, avant de suspendre à nouveau l’audience jusqu’à demain mardi.
Apparaissent déjà des interrogations sur l’efficacité de la prise en charge médicale de Dominique Pelicot qui, dix jours après les premiers symptômes, n’avait visiblement toujours pas reçu les soins adéquats. « Les mots manquent pour exprimer à quel point la situation où nous nous retrouvons ce matin est anormale. Il y a des personnes dont le travail est de s’assurer que Dominique Pelicot est en état d’assister à son procès », a estimé à l’audience ce lundi l’un des avocats des parties civiles, Stéphane Babonneau. « Si cette situation est due à un retard de prise en charge, ce serait un scandale », a-t-il ajouté.
Dominique Pelicot assure vouloir s’exprimer
L’avocat général a lui indiqué « regretter cette situation » et Béatrice Zavarro, l’avocate de Dominique Pelicot, a de son côté fustigé le manque de prise en charge médicale de son client. « Mais c’est sûr qu’il veut toujours s’exprimer, il le fera », a insisté l’avocate.
L’option d’attendre et d’espérer devenant jour après jour de moins en moins viable, la cour est confrontée à un choix difficile. En renvoyant le procès, le dossier devra être repris à zéro avec toutes les contraintes que cela implique : disponibilité des juges, des avocats et de la salle d’audience, accréditations presse… Un report entraînerait aussi inévitablement de multiples demandes de remise en liberté de certains des dix-huit accusés qui comparaissent détenus, avec le spectre d’un box des accusés - agrandi pour l’occasion - qui sonnerait creux.
La carte pour l’instant jouée est celle de suspensions d’audience à la chaîne - comme ce fut le cas jeudi dernier pour deux jours, et à nouveau ce lundi. Mais elle ne pourra pas être indéfiniment abattue.