L'essentiel

  • La loi française qui pénalise les clients, ne viole pas la Convention européenne des droits de l’Homme, a tranché la Cour européenne des Droits de l’Homme.
  • Les requérants estiment qu’elle porte atteinte au droit au respect de leur vie privée et à celle de leurs clients invoquant l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
  • La CEDH juge qu’il n’y a pas eu violation de l’article 8 estimant que « les autorités françaises ont ménagé un juste équilibre entre les intérêts concurrents en jeu ».

La loi française de 2016 sur la prostitution, qui pénalise les clients, ne viole pas la Convention européenne des droits de l’Homme, a tranché jeudi la CEDH, qui était saisie par 261 hommes et femmes prostitués.

Ces dizaines de personnes de différentes nationalités exerçant une activité de prostitution licite en France, dénonçaient l’impact de la loi du 13 avril 2016. Celle-ci a abrogé le délit de racolage et l’a remplacé par la pénalisation des clients, désormais passibles d’une amende de 1.500 euros (3.750 euros en cas de récidive), même s’ils sont rarement poursuivis dans les faits.

La loi de 2016 a été saluée comme une avancée majeure par les associations abolitionnistes. De leur côté, les requérants, soutenus par une vingtaine d’associations, soulignent qu’elle a poussé les personnes prostituées à la clandestinité et à la précarité, les exposant davantage aux agressions, ainsi qu’aux risques de contamination aux infections sexuellement transmissibles.

Une atteinte à la vie privée ?

Ils avaient déposé une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme en 2019 après avoir épuisé tous leurs recours en France. Devant la cour de Strasbourg, les requérants ont fait valoir que cette loi mettait en danger leur santé physique et mentale.

Ils ont ajouté qu’elle porte radicalement atteinte au droit au respect de leur vie privée et à celle de leurs clients, dont le droit à l’autonomie personnelle et à la liberté sexuelle, invoquant l’article 8 (droit au respect de la vie privée) de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

La Cour souligne qu’elle est « pleinement consciente des difficultés et risques – indéniables – auxquels les personnes prostituées sont exposées dans l’exercice de leur activité », dont les risques pour leur santé et leur sécurité, mais indique que ces « phénomènes étaient déjà présents et observés avant l’adoption de la loi » de 2016, « les mêmes effets négatifs ayant par le passé été attribués à l’introduction du délit de racolage dans le droit français ».

Un « juste équilibre »

« Il n’y a pas d’unanimité sur la question de savoir si les effets négatifs décrits par les requérants ont pour cause directe la mesure que constitue la pénalisation de l’achat d’actes sexuels, ou de leur vente, ou sont inhérents et intrinsèques au phénomène prostitutionnel en tant que tel ou qu’ils seraient le résultat de tout un ensemble de facteurs sociaux et de pratiques comportementales », indique la Cour.

Estimant que « les autorités françaises ont ménagé un juste équilibre entre les intérêts concurrents en jeu », la CEDH a jugé qu’il n’y avait pas eu violation de l’article 8.