ProcèsDeux communautés Emmaüs du Nord jugées pour travail dissimulé

Nord : Deux communautés Emmaüs jugées pour travail dissimulé

ProcèsDes responsables des communautés Emmaüs de Saint-André et de Nieppe sont suspectés d’avoir fait travailler illégalement des compagnons sans papiers
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

Étape très attendue dans la crise qui secoue Emmaüs depuis un an : trois dirigeants de deux communautés du Nord sont jugés jeudi à Lille pour travail dissimulé. A cette occasion, des compagnons sans-papiers espèrent faire reconnaître le traitement « indigne » qu’ils assurent avoir subi.

Le président et la directrice de la Halte-Saint-Jean, implantée à Saint-André-lez-Lille, répondront de travail dissimulé et, pour la directrice, de harcèlement moral sur des salariés. Cette dernière comparaîtra également pour travail dissimulé en tant que présidente d’une autre communauté nordiste, Nieppe, aux côtés d’un autre responsable.

Conditions de travail et régularisation

Depuis plus d’un an, le mouvement créé par l’abbé Pierre connaît dans le Nord une vague de contestation qui secoue jusqu’à son sommet. Des compagnons sans papiers de trois communautés, Saint-André-lez-Lille, Nieppe et Dunkerque, sont en grève, soutenus par la CGT. Ils dénoncent leurs conditions de travail et demandant leur régularisation.

A la Halte-Saint-Jean, les 21 compagnons en grève depuis juillet assurent travailler 40 heures par semaine, sous surveillance constante, dans un climat qu’ils qualifient de raciste, et toucher un pécule bien inférieur aux 392 euros mensuels préconisés par Emmaüs France, avec des perspectives de régularisation incertaines.

Autonomes les unes des autres mais fédérées par Emmaüs France, les 123 communautés françaises accueillent aujourd’hui majoritairement des étrangers en situation irrégulière. Ni salariés ni bénévoles, les compagnons sont censés être logés, nourris et contribuer, sans lien de subordination, au fonctionnement des communautés, qui vivent de la vente d’objets de récupération.

Une singularité encadrée depuis 2008 par le statut sur mesure d’Organismes d’accueil communautaire et d’activités solidaires (OACAS), avec des cotisations à l’Urssaf, permettant aux compagnons de bénéficier d’une retraite et d’indemnités en cas d’arrêt de travail. Depuis 2018, un étranger justifiant de trois années d’activité ininterrompue dans un OACAS, mais aussi de perspectives d’intégration, peut se voir accorder une carte de séjour.

Travail dissimulé et non traite d’êtres humains

Or Saint-André-lez-Lille et Nieppe font partie des rares communautés à ne pas avoir adopté ce statut. La direction de Nieppe assure avoir enclenché la démarche pour l’acquérir.

En mai 2023, le parquet de Lille a ouvert une enquête visant la Halte-Saint-Jean pour « traite d’êtres humains », une qualification qui n’a finalement pas été retenue. Pour l’avocat des compagnons, Mehdi Bouzaidi, l’organisation de la Halte « avec un planning, des horaires obligatoires, des refus de prendre en compte les arrêts de travail, les pressions qui étaient exercées » justifierait des poursuites pour ce chef.

L’avocat des dirigeants de la communauté, Christophe Loonis, dont les clients contestent tous les faits reprochés, se réjouit quant à lui que « l’enquête (ait) permis de révéler que ces accusations étaient tout à fait infondées ».

Parallèlement au procès, l’examen des dossiers des compagnons grévistes se poursuit à la préfecture. En février, la CGT avait assuré que le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, s’était engagé à les faire régulariser.

Ce procès ne marquera pas la fin de la bataille, estime Stéphane Vonthron, du bureau de la CGT du Nord, persuadé que la contestation touchera d’autres communautés. D’ailleurs des perquisitions ont eu lieu, début juin, dans quatre communautés du Tarn-et-Garonne dans le cadre d’une enquête pour travail dissimulé au détriment de personnes vulnérables.