Seine-Maritime : L’ex maire de Canteleu jugée pour avoir facilité le trafic de drogue dans sa commune
mélange des genres•Mélanie Boulanger, 47 ans, est soupçonnée d’avoir fait pression sur les services de police pour qu’ils ne gênent pas les affaires du redoutable clan Meziani20 Minutes avec AFP
Une ex-maire devant les tribunaux, accusée de complicité dans une affaire de trafic de drogues. Le tribunal de Bobigny juge à partir de lundi l’ex-maire de Canteleu et 18 autres prévenus en lien avec le trafic de drogue dans cette ville de Seine-Maritime. Un dossier révélateur de l’emprise du « deal » à l’échelle d’une petite commune.
Fruit de deux ans d’enquête, le tentaculaire dossier Canteleu, commune populaire de 14.000 habitants de l’agglomération de Rouen, illustre l’enracinement et la violence grandissante des narcotrafics dont s’inquiétait ce mois-ci encore un rapport du Sénat.
Soupçonnée d’avoir fait pression sur les services de police
Aux côtés de la maire socialiste, la 13e chambre du tribunal correctionnel de Seine-Saint-Denis juge pendant un mois les principaux acteurs présumés du réseau : les têtes, leurs lieutenants, des fournisseurs et blanchisseurs. Le délibéré est attendu fin juin.
Elue maire en 2014, Mélanie Boulanger, 47 ans, est soupçonnée d’avoir fait pression sur les services de police pour qu’ils ne gênent pas les affaires du redoutable clan Meziani, réputé pour tenir le deal dans sa ville normande et y faire régner la terreur.
Des menaces sur la maire
La fratrie Meziani a soufflé le chaud et le froid sur l’élue, via l’un de ses adjoints également poursuivi. Dans une conversation téléphonique sous écoute, un des frères la menace d’une part de mettre la commune à feu et à sang, et de l’autre lui promet de garantir sa réélection et l’ordre public à Canteleu si elle rend le service qu’il lui demande.
Toute l'actu sur le trafic de drogueL’ancienne tête de liste PS-EELV en Normandie aux élections régionales de 2021, interpellée en octobre 2021 et mise en examen pour complicité en avril 2022, dément ces accusations. Elle a démissionné de son mandat de maire en début d’année en invoquant des « raisons de santé », après son renvoi devant la justice. Contacté par l’AFP, son avocat, Me Arnaud de Saint-Rémy, n’a pas souhaité s’exprimer.
La famille Meziani
L’affaire a débuté en septembre 2019 avec l’arrestation sur un parking de Saint-Denis de deux individus suspects procédant à une transaction de drogues. L’un est porteur de 50.000 euros en liquide, l’autre de deux kilos de cocaïne pure à 80 %.
Les investigations sur l’acheteur amènent rapidement les policiers de Seine-Saint-Denis à Canteleu, base de la famille Meziani soupçonnée d’être l’un des principaux acteurs du trafic de drogues dans la région rouennaise. Depuis la mort en 2019 du chef de famille Mohamed dans un accident de la route lors d’un probable « go fast », le relais aurait été repris par deux de ses frères, Aziz et Montacer.
Du cash blanchi dans des commerces de proximité
L’enquête, riche en sonorisations et en écoutes, va mettre au jour un important réseau d’importation et de vente de stupéfiants, écoulant aussi bien du cannabis que de l’héroïne et de la cocaïne. Selon les estimations des policiers, leur organisation engrange plus de dix millions d’euros de bénéfices annuels rien que pour la cocaïne et l’héroïne.
Ce dossier éclaire également les circuits empruntés par l’argent de la drogue. Derrière le modeste train de vie déclaré par les mis en cause, des sommes importantes sont utilisées en liquide pour l’achat de voitures de luxe ou le paiement d’considérables frais dentaires. Une partie de ce cash est blanchie dans des commerces de proximité, un bar de la place de la mairie de Canteleu ou une chicha salon de thé, ou recyclé via des entreprises fictives. D’autres capitaux sont expédiés au Maroc pour des achats immobiliers ou, à l’occasion, financer la construction de mosquées dans le pays.