RépressionDeux artistes russes risquent sept ans de prison pour une pièce de théâtre

Russie : Deux artistes risquent sept ans de prison pour une pièce de théâtre

RépressionDepuis le début de la guerre en Ukraine, la répression est de plus en plus dure dans le secteur culturel russe
20 Minutes avec AFP

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En Russie, l’art peut coûter cher. Ce lundi, le procès de deux artistes russes a débuté à Moscou. Celles-ci ont été arrêtées il y a un an pour « justification du terrorisme ». En entrant dans la salle d’audience, la metteuse en scène Evguénia Berkovitch, 39 ans, et la dramaturge Svetlana Petriïtchouk, 44 ans, ont souri malgré l’interdiction donnée au public d’applaudir.

Elena Efros, la mère d’Evguénia Berkovitch, une militante soutenant les prisonniers politiques en Russie, a déclaré à l’AFP être contente de voir sa fille « tenir bon et sourire », malgré les circonstances. Elle s’est dite « certaine » que sa défense dira « tout ce qu’il faut pour démontrer l’absurdité » du chef d’inculpation.

« Attirer l’attention et éclairer sur le problème »

L’accusation concerne un spectacle de 2020, « Finist, le clair faucon », racontant l’histoire de Russes recrutées sur Internet par des islamistes en Syrie et partant les rejoindre pour les épouser. Les deux femmes clament fermement leur innocence. « Dans cette pièce, il n’y a aucune justification du terrorisme », a déclaré lundi au tribunal Svetlana Petriïtchouk, pour qui le « but était d’attirer l’attention et d’éclairer sur ce problème ».

Lundi, au procès, la procureure Ekaterina Denissova a assuré, pour sa part, que le spectacle défendait le « terrorisme », le groupe djihadiste Etat islamique et « romantisait les hommes terroristes ». Elle a également accusé les deux femmes d’avoir prôné un « féminisme radical ». L’expression « féminisme radical », un terme qui n’existe pas pour l’heure dans le Code pénal russe, a été véhiculée par plusieurs personnalités conservatrices alliées au Kremlin reprochant aux Occidentaux de corrompre les mœurs en Russie.

Une lourde répression dans la culture

Avant son arrestation, Evguénia Berkovitch, reconnue dans les milieux d’avant-garde et ancienne élève du réalisateur et metteur en scène en exil Kirill Serebrennikov, s’était publiquement prononcée contre l’offensive en Ukraine. Lundi, du festival de Cannes, Kiril Serebrennikov a entamé une conférence de presse en brandissant le portrait des deux artistes russes. « Elles n’ont absolument rien fait de mal, elles ont juste monté un spectacle », a-t-il déclaré.

Depuis le début de l’assaut contre l’Ukraine, en février 2022, la répression vise toute critique du régime et une épuration est à l’oeuvre dans les milieux culturels, sommés de se plier au discours patriotique et militariste du Kremlin. La pièce en question avait été chaleureusement saluée par la critique et le public au moment de sa sortie et reçu deux « Masques d’or » en 2022, la principale récompense du théâtre en Russie. En détention provisoire depuis plus d’un an, Evguénia Berkovitch a réclamé en vain pendant de multiples audiences son assignation à résidence, pour pouvoir s’occuper de ses deux enfants.

Jugées comme « terroristes et extrémistes »

A la mi-avril, les deux femmes ont été inscrites sur la liste des « terroristes et extrémistes » établie par les autorités russes, avant même leur procès. Evguénia Berkovitch avait déjà été condamnée à 11 jours de détention, après avoir manifesté contre l’offensive russe en Ukraine, en sortant seule dans la rue avec une pancarte sur laquelle il était écrit « non à la guerre » le 24 février 2022, le jour même du début de l’assaut. Elle avait aussi écrit des poèmes dénonçant cette attaque.

Comme elle, des milliers de personnes en Russie ont subi la répression du pouvoir, allant d’amendes à de très lourdes peines, après s’être publiquement opposées au conflit ou à Vladimir Poutine. Quasiment toutes les figures de l’opposition sont en prison ou en exil, certaines comme Alexeï Navalny sont mortes.

Lundi, un tribunal militaire de Sibérie a ainsi condamné à vingt-cinq ans de prison un homme, Ilia Babourine, accusé de « terrorisme » et « haute trahison » pour avoir tenté d’incendier un centre de recrutement militaire. Lui a dénoncé des accusations « délirantes ».