justiceDe la dioxine à la Corse, ce que l’on sait de la magistrate d’Agen

Banditisme corse : De la dioxine à la Corse, ce que l’on sait de la magistrate d’Agen

justiceFait rarissime, Hélène Gerhards, 49 ans, magistrate de la cour d’appel d’Agen, a été mise en examen ce samedi
Caroline Delabroy

Caroline Delabroy

L'essentiel

  • Médiatisée au tout début de sa carrière pour l’affaire de la dioxine, finalement un fiasco judiciaire, Hélène Gerhards a passé cinq ans en Corse en tant que juge d’instruction.
  • Elle y a gardé une villa luxueuse, au cœur des investigations sur ses liens présumés avec le grand bantisme corse. Elle serait aussi une proche de l’actuel ministre de la justice Éric Dupond-Moretti.

Une juge d’instruction a été mise en examen ce samedi pour onze chefs d’inculpation puis écrouée. L’affaire, sur fond de liens présumés avec le banditisme corse, n’est pas courante. 20 Minutes fait le point.

Qui est la magistrate mise en cause ?

Hélène Gerhards, 49 ans, est apparue au tout début de sa carrière dans le documentaire « La Juge et l'affaire des dioxines ». Elle est alors juge d’instruction à Albertville, l’un de ses tout premiers postes après l’école de la magistrature, dont elle sort diplômée en 2001. Et donc, la juge médiatique de l’affaire des dioxines, sur les émissions de fumées toxiques de l’usine d’incinération de Gilly-sur-Isère en Savoie, dont le procès laissera un goût amer aux parties civiles : « En filigrane est apparu le procès d’une instruction sous haute exposition médiatique et faible sécurité juridique, menée par la juge Hélène Gerhards-Lastera », écrit dans Le Monde, la chroniqueuse judiciaire Pascale Robert-Diard.

En juillet 2008, Hélène Gerhards est nommée juge d’instruction à Marseille où elle reste près de trois ans avant de rejoindre la Corse, entre 2011 et 2016. Hélène Gerhards est ensuite nommée vice-procureure à Toulouse puis, en 2021, à la cour d’appel d’Agen. « Pour ses soutiens », Hélène Gerhards, est « une juge méthodique et travailleuse, qui aime écouter Bach en bûchant ses dossiers », rapporte Mediapart, qui a révélé la garde à vue de la magistrate, proche de l'actuel Garde des Sceaux selon le site.

Dans un compte rendu de procès en 2014, sur une fusillade à Sartène en Corse, Libération raconte aussi que la magistrate est citée par l’avocat d’un des accusés, afin qu’elle s’explique sur son instruction. Le quotidien relève que « ses réponses sont habiles, précises », même si, d’abord, « elle semble tendue de ce côté de la barre ».

Que lui est-il reproché ?

La magistrate aujourd’hui à la cour d’appel d’Agen se voit reprocher « une relation de proximité » avec le milieu du banditisme corse, et en particulier Johann Carta, qui en est une figure présumée. C’est d’ailleurs en marge des investigations sur la bande du Petit Bar, lors d’écoutes téléphoniques réalisées par la justice marseillaise, que le nom de « la juge » apparaît. On y parle de travaux qu’il superviserait dans la villa de la juge, située dans la baie d’Ajaccio et estimée à 2 millions d’euros. Piscine, spa, pool house, ladite villa compte dix pièces et un jardin exotique. Une question taraude les enquêteurs : quelles ont pu être les contreparties de liens noués entre la juge et le milieu corse ?

Par ailleurs, « l’ancien garage a été transformé en hébergement accessible sur Airbnb, affirme Le Monde. Pourtant, au fisc, elle ne déclare qu’une maison et un garage. De même, elle assure être domiciliée en Corse, comme célibataire avec ses trois enfants, alors qu’elle vit maritalement à Agen ». Parmi les onze chefs présentés au juge d’instruction pour sa mise en examen, figurent ainsi le détournement de fonds publics par une personne dépositaire de l’autorité publique, le recours aux services d’une personne exerçant un travail dissimulé en bande organisée ou encore le trafic d’influence et le blanchiment.

La juge Gerhards a confirmé fin mars à Mediapart ses liens avec Johann Carta pour son chantier, mais elle assure qu’il lui avait été présenté simplement comme « Johann » par un artisan également mobilisé sur son chantier et qu’elle n’avait pas fait le lien avec la bande du Petit Bar.

Lors de ses auditions en garde à vue, la magistrate a « contesté d'abord toute infraction et tout manquement à ses obligations professionnelles », avant de finalement reconnaître « une consultation illicite de données au profit d'un individu défavorablement connu », avait précisé le procureur de Nice vendredi. Le total des fonds détournés « pourraient être évalués à plus de 120.000 euros », selon la même source.

Quels sont ses liens présumés avec Dupond-Morretti ?

Si l’enquête est des plus sensibles, c’est aussi en raison de la proximité présumée de la juge avec l’actuel ministre de la justice Éric Dupond-Moretti. Selon Mediapart, Hélène Gerhards a été notamment un soutien dans l’affaire l’opposant en 2017 à Marie-Laure Piazza, alors que cette dernière était la présidente de la cour d’assises de Bastia et, lui, le ténor des barreaux mis en cause pour l’avoir intimidée. Éric Dupond-Moretti lui aurait même proposé de rejoindre son cabinet d’avocats.