procèsRoman Polanski jugé en France pour avoir diffamé l’une de ses accusatrices

Affaire Polanski : Le réalisateur jugé pour avoir diffamé l’une de ses accusatrices

procèsL’audience, fixée à mardi, est la première en France liée aux accusations d’agressions sexuelles qui visent le cinéaste
Thibaut Chevillard

Thibaut Chevillard

L'essentiel

  • Le cinéaste controversé sera jugé mardi après-midi à Paris pour diffamation après avoir qualifié de « mensonge odieux » les accusations d’agression sexuelle lancées contre lui par Charlotte Lewis.
  • En 2010, cette actrice britannique avait accusé le cinéaste de l’avoir « agressée sexuellement » lorsqu’elle avait 16 ans. En 2020, elle a porté plainte pour diffamation contre le réalisateur, qui avait évoqué ces accusations dans un entretien publié par Paris Match.
  • L’audience de mardi est la première en France liée aux nombreuses accusations d’agressions sexuelles qui visent le cinéaste.

Pour Roman Polanski, ce nouveau procès ne tombe pas au bon moment. Le monde du cinéma est secoué depuis plusieurs semaines par une deuxième vague #Metoo. De nombreuses actrices et quelques acteurs sont sortis du silence pour dénoncer des violences sexistes et sexuelles commises par des grands noms du 7e art. Lors de la dernière cérémonie des César, Judith Godrèche, qui a porté plainte pour viols sur mineure contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon, a dénoncé l’utilisation du cinéma comme « couverture pour un trafic illicite de jeunes filles ».

Quatre ans plus tôt, c’est Adèle Haenel qui s’était illustrée en quittant, en colère, cette même cérémonie au moment de l’attribution du prix du meilleur réalisateur au cinéaste franco-polonais pour son film « J’accuse » sur l’affaire Dreyfus. Cet incident est devenu un symbole car Roman Polanski, aujourd’hui âgé de 90 ans, a régulièrement été accusé d’agressions sexuelles et viols au fil de sa carrière. Des accusations pour des faits tous prescrits, qu’il a toujours contestés et qui ne l’ont jamais empêché de travailler.

« Mensonge odieux »

L’affaire que va examiner mardi la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris prend racine en mai 2010. En plein festival de Cannes, Charlotte Lewis avait accusé Polanski de l’avoir « agressée sexuellement » lors d’un casting organisé chez lui à Paris en 1983. A l’époque, elle n’avait que 16 ans. L’actrice britannique, qui a notamment joué sous sa direction dans « Pirates », sorti en 1986, n’avait pas porté plainte. Mais elle avait témoigné auprès de la police américaine.

Neuf ans plus tard, dans un entretien à Paris Match, Roman Polanski a qualifié ces accusations de « mensonge odieux ». « Voyez-vous, la première qualité d’un bon menteur c’est une excellente mémoire. On mentionne toujours Charlotte Lewis dans la liste de mes accusatrices sans jamais relever (ses) contradictions », a déclaré le réalisateur, évoquant des propos attribués à l’actrice dans un entretien publié en 1999 par le tabloïd britannique News of the World.

« Roman Polanski a le droit de se défendre »

« Je voulais être sa maîtresse, est-il écrit dans cet article. Je le désirais probablement plus que lui ne le voulait. » Charlotte Lewis s’est défendue en affirmant, dès 2010, que cette citation n’était « pas exacte ». Après la publication de l’interview du cinéaste dans Paris Match, en décembre 2019, elle a déposé plainte pour diffamation.

En matière de droit de la presse, le renvoi devant le tribunal est quasi-automatique et le fond des accusations est examiné à l’audience. C’est ce qui explique la tenue de ce procès mardi. Les avocats du réalisateur contestent les faits reprochés à leur client. « Roman Polanski a le droit de se défendre publiquement, au même titre que celle qui l’accuse », a déclaré Me Delphine Meillet, qui le défend avec Me Alain Jakubowicz. Les conseils du cinéaste ont fait citer comme témoin l’auteur de l’article sur Charlotte Lewis dans News of the World, Stuart White.

« Système Polanski »

« Salir, discréditer, diffamer ça fait partie intégrante du système Polanski, c’est ce que dénonce avec beaucoup de courage Charlotte Lewis », a de son côté affirmé Me Benjamin Chouai, l’avocat de l’actrice aujourd’hui âgée de 56 ans.

Roman Polanski, qui a gagné trois Oscar et une Palme d’Or, se fait désormais très discret. Il vit à Paris, à l’abri de la justice américaine qui le considère comme un fugitif depuis plus de quarante ans, après une condamnation pour des relations sexuelles illégales avec une mineure. Le 11 mars 1977, alors âgé de 43 ans, il avait été arrêté après qu’une adolescente de 13 ans l’a accusé de l’avoir droguée et violée lors d’un reportage photo dans la villa de Jack Nicholson à Hollywood.

Pour éviter un procès public, il avait plaidé coupable de détournement de mineure. En échange, le juge a abandonné les poursuites pour viol avec fourniture et consommation de drogue. Le cinéaste a alors été condamné à trois mois de prison puis libéré pour conduite exemplaire après 42 jours. Mais la veille de l’audience pour homologuer l’accord, le juge a fait volte-face, estimant la sentence insuffisante. Roman Polanski, qui a appris qu’il risquait la peine maximum, avait pris la fuite en France, d’où il ne peut être extradé.

Des faits prescrits

Depuis, d’autres jeunes femmes ont accusé le réalisateur d’agression sexuelle. ​​Le 9 novembre 2019, la Française Valentine Monnier a affirmé dans Le Parisien que Roman Polanski l’avait violée en 1975 en Suisse alors qu’elle avait 18 ans. Elle n’a pas déposé plainte pour ces faits, prescrits, que Roman Polanski conteste. Août 2017 : une nouvelle accusatrice est sortie du silence pour dénoncer une agression qui aurait eu lieu en 1973. Là encore, les faits sont prescrits.

Septembre 2017 : Renate Langer, une ancienne actrice, a déposé plainte pour viol, affirmant avoir été agressée en 1972 à Gstaad alors qu’elle avait 15 ans. Pour la justice suisse, les accusations sont prescrites. Octobre 2017 : une artiste américaine, Marianne Barnard, a accusé le réalisateur de l’avoir agressée en 1975, quand elle avait 10 ans. Ce qu’il conteste aussi. Ce mardi, c’est la première fois que la justice française se penchera sur les accusations d’agressions sexuelles qui visent le cinéaste.