justiceQui se cache derrière le « pêcheur multirécidiviste » de Marseille ?

Marseille : Qui se cache derrière le « pêcheur multirécidiviste » ?

justiceLouis di Trento, l’un des deux derniers pêcheurs chalutiers de Marseille, encourt la confiscation de son bateau
Caroline Delabroy

Caroline Delabroy

L'essentiel

  • Poursuivi pour un chalutage illégal dans les Calanques de Marseille, le patron-pêcheur Louis di Trento a comparu début février devant le tribunal correctionnel.
  • A 55 ans, Louis di Trento est l’un des deux derniers pêcheurs chalutiers de Marseille.
  • Le procureur de la République a appelé le tribunal à « un signal fort » avec notamment la confiscation de son chalutier de 21 mètres et la suspension de son permis de pêche. Le délibéré est attendu ce mercredi.

Mercredi, il sera là pour entendre le délibéré. Même si Louis di Trento se l’est juré : « La pêche, c’est terminé » pour lui. Lors de l’audience début février devant le tribunal correctionnel de Marseille, le patron pêcheur n’a que très peu goûté d’être comparé, en des termes plus juridiques, à un gros poisson du braconnage dans les eaux protégées du parc national des Calanques. « Je ne suis pas un mauvais garçon », lâche-t-il à la sortie du tribunal.

Baskets blanches, monture de lunettes transparente et blouson à la mode : sur les marches du palais, son allure citadine ne dépareille pas. Le parler provençal davantage, lui qui jure ne pas être un « testard » (têtu). « Un casier judiciaire comme cela, avec à chaque fois la même infraction, cela s’appelle un délinquant multirécidiviste, il ne faut pas avoir peur des choses », a pourtant lancé le procureur de la République Guillaume Bricier à son encontre, appelant le tribunal à « un signal fort », soit la confiscation du chalutier de 21 mètres. Cette fois-ci, il lui est reproché une pêche illégale à l’intérieur de la zone des 3.000 nautiques, au sud-ouest de l’île du Planier. L’homme n’en est pas à son premier fait d’armes : il a déjà été condamné à dix reprises depuis 2005.

« Comme les paysans »

A 55 ans, Louis di Trento a de longues années en mer à son actif. Lui qui est un « voileux », un amateur de plongée comme il le confie à 20 Minutes, avait pourtant « le mal de mer » quand il apprend le métier auprès de son père et de son oncle, après être passé sur les bancs de l’école maritime. En 1993, il rachète les parts du second. « Pour le même métier que moi, ils ont eu la médaille du mérite maritime, un peu notre Légion d’honneur, moi on veut me mettre en prison ! »

De la prison ? C’est une façon de parler, les réquisitions portant, outre la confiscation du bateau, sur des peines d’amende et de suspension de permis de pêche. Mais elle dit « l’incompréhension » – feinte selon l’accusation – face « à des écologistes qui en font un peu trop » et une pêche de plus en plus réglementée. « Il a milité comme le font aujourd’hui les paysans qui disent : "On ne veut pas mourir." », a énoncé son avocat, Me Pierre Ceccaldi, lors de sa plaidoirie.

« Il joue sans cesse avec les limites »

Le chalutier, amarré au port de Saumaty près de l’Estaque, est l’un des deux derniers de Marseille. « Demain, les gens vont manger des poissons qui arrivent par avion et cela ne gêne personne ? », interroge Louis di Trento, racontant son quotidien, lever 2 heures du matin, retour 18 heures le soir : « Je suis chef d’entreprise et je gagne 15 euros de l’heure, et ils me traitent de riche avec mes 4.000 euros mensuels hors impôts. » « Le matin, il faut émettre un message quand on sort, dire ensuite l’endroit où je cale, puis mettre le poisson débarqué, poursuit-il. On a la balise qui nous surveille toute la journée comme des brigands. »

« Il a un dégoût total pour le règlement du parc des Calanques, il joue sans cesse avec les limites », a de son côté déploré Me Isabelle Vergnoux au nom des trois associations parties civiles (France Nature Environnement 13, Sea Shepherd et Association de protection des animaux). « Autant je crois à la vertu pédagogique de certaines audiences, mais là non, Louis di Trento ne le comprendra jamais, il pestera toute sa vie contre ces réglementations », a-t-elle ajouté. Là-dessus, l’intéressé ne la contredira certainement pas.