Nord : Achats immobiliers et prêt douteux, les dirigeants d’une mosquée risquent la prison
Procès•Les quatre dirigeants du Centre islamique de Villeneuve-d’Ascq ont été jugés pour « abus de confiance », en raison d’investissements locatifs interdits et d’un « faux prêt » au lycée musulman Averroès20 Minutes avec AFP
Le parquet de Lille a requis, jeudi, de la prison ferme contre quatre dirigeants de la mosquée de Villeneuve-d’Ascq, près de Lille, dans le Nord. Ils étaient poursuivis pour des investissements locatifs interdits destinés à financer le lieu de culte et pour un prêt de 200.000 euros au lycée musulman Averroès. La décision sera rendue le 15 mars.
Sur le banc des prévenus : cinq quinquagénaires grisonnants, lunettes pour la plupart et barbes taillées court. Tous dirigent de longue date le Centre islamique de Villeneuve-d’Ascq (CIV), et certains sont d’anciens salariés ou parents d’élèves du lycée Averroès.
Des prêts au lycée musulman Averroès
L’affaire a commencé en 2022, lorsque la préfecture du Nord a reçu un signalement dénonçant le manque de transparence dans les bilans du CIV. Suite à ce signalement, les comptes de l’association ont été épluchés par les services du préfet. En parallèle, dans un rapport de 2023 sur Averroès, le préfet du Nord a évoqué la possibilité que le CIV, qui recevait des dons du Koweït ou d’Egypte, ait fait de « faux prêts » à l’établissement afin de servir d’écran à des financements étrangers pour le lycée.
A l’audience, le trésorier de la mosquée, Abdellah Ouafi, a souligné qu’Averroès avait remboursé certains prêts, et que des démarches étaient en cours pour récupérer les 200.000 euros encore dus. La mosquée a renoncé à des créances car « le lycée a failli fermer », a-t-il souligné, ajoutant que les adhérents de l’association gérant la mosquée étaient informés de ces prêts, et que les fidèles les soutenaient massivement.
En outre, le CIV avait acquis, via une SCI, deux maisons pour y aménager des studios étudiants, loués afin de s’assurer une « indépendance » financière, a expliqué son président Mohamed Karrat. Mais le parquet a souligné qu’il était interdit pour une association de faire des investissements locatifs. L’objet social du CIV était de fournir un lieu de culte digne et des services aux fidèles, mais pas de financer un lycée ni des logements étudiants, a martelé la procureur.
Le parquet n’est pas « le bras armé de la préfecture »
Déplorant une « gestion à la petite semaine » et « l’inamovibilité » des dirigeants de la mosquée, elle a appelé à davantage de démocratie dans les instances dirigeantes de cet important lieu de culte, confié temporairement à un administrateur judiciaire. La procureure a aussi souligné que le parquet n’était pas « le bras armé de la préfecture » et qu’il ne s’agissait pas de faire « le procès du lycée Averroès », elle a déploré que ce dossier soit vu « sur le plan politique ».
Les prévenus étaient tous jugés pour abus de confiance et blanchiment. Trois d’entre eux pour tentative d’escroquerie. Le parquet a requis six à dix mois de prison ferme accompagnés de 12 à 14 mois de sursis contre eux, et du sursis simple contre un cinquième prévenu. La procureure a toutefois demandant un aménagement pour qu’ils puissent purger leur peine éventuelle à domicile.
« La République s’est trompée de combat, s’est tiré une balle dans le pied », a estimé pour sa part un avocat de la défense, Me Jérôme Pianezza. « Quand il y a un CIV, ça empêche qu’on prie dans les caves, les garages, et ça, on sait à quoi ça mène ».
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