« Un camion en pleine face ». Berdah raconte son cyberharcèlement au procès

Procès Magali Berdah : « Personne ne mérite de se faire menacer de mort », regrette l’agente d’influenceurs à la barre

TRIBUNALLors du premier jour du procès, Magali Berdah a témoigné pendant plus de trois heures du cyberharcèlement dont elle aurait été victime entre mai et septembre 2022
Magali Berdah : 28 personnes jugées pour cyberharcèlement
Lina Fourneau

Lina Fourneau

L'essentiel

  • Ce lundi, s’ouvrait le premier procès des cyberharceleurs de l’agente Magali Berdah. Deux autres procès suivront avec au total 28 prévenus. « C’est la plus grosse affaire de cyberharcèlement qu’a eu à connaître la justice française », souligne l’avocate de Magali Berdah, Maître Rachel-Flore Pardo.
  • Jusqu’au 5 décembre, les treize premiers prévenus devront répondre pour des faits de cyberharcèlement auxquels s’ajoutent parfois des menaces de mort et de viol, ainsi que des remarques antisémites.
  • A la barre, ce lundi, l’agente d’influenceurs témoignait de la période où elle aurait subi un cyberharcèlement massif. « Le seul moyen que vous avez pour que ça s’arrête, c’est de mourir ».

«On est souvent exposé à la haine, mais jamais de cette ampleur-là ». A la barre de la 10e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris, Magali Berdah s’avance. Gilet beige, chemise bleue avec des strass dans le dos et grandes bottes noires. Dans le procès qui s’est ouvert ce lundi 27 novembre, elle témoigne en tant que partie civile. Derrière elle, une salle dispersée entre les bancs complets d’avocats, quelques proches et surtout les personnes soupçonnées d’avoir participé à ces « raids ». Jusqu’au 5 décembre, ils seront treize prévenus à devoir répondre à des faits de cyberharcèlement auxquels s’ajoutent des menaces de crime, de viol et de mort ; ainsi que dans certains cas des insultes antisémites. En tout, 28 personnes seront jugées pendant plusieurs mois au cours de trois différents procès.

Ce lundi, les treize prévenus ne sont pas tous présents. Sept ne viendront pas. D’autres ne seront pas non plus représentés. Pour l’avocat de la partie civile, Maître Antonin Gravelin-Rodriguez, leur absence est regrettable. La déception se fait également sentir du côté de Magali Berdah qui souhaite être reconnue comme victime lors de ces procès. « J’aurais aimé que les absents m’entendent, qu’ils se rendent comptent de ce qu’ils ont fait. Il faut que les gens comprennent la violence du cyberharcèlement ». Une violence comparée par Magali Berdah a un camion pris en pleine face. « C’était frontal, c’était non-stop et de pire en pire ».

« Tous les jours, une accusation différente »

En quelques mois, entre mai et septembre 2022, ce seront près de 70.000 messages malveillants envoyés via des tweets ou des messages privés. Tous auraient suivi le raid numérique lancé par le rappeur Booba dans son combat contre les « influvoleurs » au printemps 2022 où Magali Berdah avait largement été visée comme responsable de nombreuses escroqueries. Lors de cette audience, le nom du rappeur sera de nombreuses fois prononcé. Bien plus que les noms des prévenus d’ailleurs. « Booba agit comme un moteur, les messages [malveillants] vont vers la hausse quand il parle de moi », résume Magali Berdah.

Pendant dix-huit mois, la vie de l’agente d’influenceurs a été épiée, décortiquée, dévoilée... jusqu'au planning de son agent de sécurité. « Tous les jours, c’était une accusation différente. Un jour, j’étais une arnaqueuse au CPF. Le lendemain, une meurtrière après l’assassinat de ma belle-sœur. Parfois, une mauvaise mère car ma fille allait en boîte. Puis, une mauvaise juive et parfois le Mossad. On m’a accusé de tous les maux de la terre et ça me colle à la tête ». Des images pornographiques – avérées fausses – ont également été relayées. « Je n’ai pas eu un moment de ma vie qui n’a pas été étalée de manière négative. Je n’étais plus audible. J’étais juste une personne immorale ». Interrogée par la défense sur les différentes accusations qui lui sont reprochées, Magali Berdah reconnaît avoir fait des erreurs. « Ça ne donne pas le droit aux gens de menacer de mort. Personne ne mérite de se faire menacer de mort le matin et de se coucher le soir en risquant de se faire menacer de mort », répond-elle à la barre.

« Tout s’est écroulé, j’ai tout perdu »

Plus d’un an après les faits, les répercussions sur sa vie restent toujours très présentes. Les tests psychologiques décrits par le tribunal montrent des sentiments de peur et d’insécurité, des troubles du sommeil et des troubles de l’appétit. « C’est comme si aujourd’hui j’étais devenu un monstre, il [Booba] a sali tout ce que je suis. Tout s’est écroulé, j’ai tout perdu ». Des messages malveillants continuent parfois de lui être envoyés. Ils ne seront pas cités au cours de ce procès qui ne prend en compte que la période entre mai et septembre 2022.

Au cours de cette période Magali Berdah avoue avoir eu des pensées suicidaires. « Le seul moyen que vous avez pour que ça s’arrête, c’est de mourir ». Si aujourd’hui elle a pu reprendre le travail depuis en tant que directrice commerciale de Shauna Events, Magali Berdah explique avoir dû déménager à plusieurs reprises de logement et de bureaux lorsque les points GPS de ces adresses ont été dévoilés sur les réseaux sociaux. « Aujourd’hui, on travaille à la maison. Les salariés ne se sentent pas en sécurité ». Une de ses trois filles a été également déscolarisée. L’école des deux autres a fini par être divulguée. Ce procès, Magali Berdah en attend désormais beaucoup. « Quand on m’a annoncé ces interpellations, j’avais l’impression que ça allait bouger, que ma vie allait pouvoir recommencer. Mais la meute ne s’est pas arrêtée. Faut que tout ce procès serve à quelque chose ». Mais surtout, Magali Berdah veut retrouver une vie normale, comme avant. « Je veux juste qu’on puisse dormir tranquille. Mon mari, mes enfants et moi ».