Grenoble : « Le mal est en lui », l’accusé « fait pour être cruel », note un psy au procès de « toutes les horreurs »
COMPTE-RENDU•Au quatrième jour d’audience, les experts psychologues et psychiatriques ont sondé l’esprit de l’accusé, affirmant qu’il ne souffre d’aucune maladie mentale malgré « sa dangerosité criminologique »Caroline Girardon
L'essentiel
- La cour d’assises de l’Isère se penche toute la semaine sur le cas d’un homme de 34 ans, jugé pour viols suivis, précédés ou accompagnés d’actes de torture ou de barbarie sur ses anciens partenaires et sur des animaux, ainsi que pour la détention de 150.000 vidéos et fichiers pédopornographiques.
- Le quatrième jour d’audience était consacré aux dépositions des psychologues et psychiatres ayant analysé l’accusé.
- L’un d’eux est formel : le jeune homme ne « souffre d’aucune maladie mentale ». Et des explications, il n’y en a pas vraiment….
De notre envoyée spéciale à Grenoble
« Il était fait pour être cruel. » Dans le prétoire, la phrase résonne encore, sonnant le glas de possibles explications. Et annihilant toute éventualité d’obtenir une quelconque clé de compréhension. Interrogé longuement sur la personnalité de l’accusé, qu’il a examiné à cinq reprises, le psychologue Raphaël Loiselot est formel : Julien*, jugé devant les assises de l’Isère pour avoir violé et torturé trois de ses anciens partenaires en leur imposant notamment d’avoir des relations sexuelles avec des canidés, est « vraiment sadique et pervers ». « Il ne joue pas un rôle. Il est comme ça. »
L’homme, âgé de 34 ans, n’a jamais subi de sévices dans son enfance, grandissant au sein d’une famille, dite normale. Certes, ses parents se sont séparés lorsqu’il avait sept ans. Sa mère est décédée, deux ans plus tard, lors d’une chute à cheval. Mais « toutes les personnes qui ont perdu un parent ou connu un divorce ne deviennent pas des tueurs en série d’animaux », ni des tortionnaires, relève l’expert. Et d’appuyer : « Parfois, le mal est là. Chez Julien, le mal est en lui. Pas grand-chose ne peut l’expliquer ».
« La cruauté en addiction »
Le garçon a tout simplement « la cruauté en addiction ». Pas de différence entre le « genre humain qu’il honnit » et les animaux qu’il aime pénétrer avant de les tuer. « Il utilise son sexe comme une arme de destruction, de souffrance et de mort afin de réduire l’autre à néant », analyse le psychologue, précisant que ses « pulsions meurtrières sont profondément ancrées en lui ».
Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’intéressé ne souffre pourtant d'« aucune maladie mentale » pouvant abolir son discernement, atteste formellement le psychiatre François Renault. Comprenez que Julien est sain d’esprit, « même s’il est perturbé psychiquement ». Le problème vient d’un « défaut structurel du développement », c’est-à-dire de la façon dont il s’est construit en tant qu’enfant, diagnostique l’expert, interrogé en visioconférence. Un enfant « solitaire, en décalage avec les autres », « inadapté à l’école » et qui ne supporte pas la « frustration ». A partir de là, la violence va prendre de plus en plus de place au fil des années. Et évoluer sous toutes les formes.
« Je ne vois pas comment il peut aller mieux dans 50 ans »
« Il est autant psychopathe, que pervers, que narcissique. C’est ce qui lui confère sa dangerosité », résume Raphaël Loiselot. Alors, l’accusé « peut-il évoluer favorablement ? », l’interroge la présidente de la cour. « En vingt-cinq ans de carrière, je n’ai rarement vu chez un individu ces trois facteurs autant exacerbés. Ils sont tous dans la zone rouge et je suis très très très pessimiste, répond le psychologue. Je ne vois pas comment dans 50 ans, il peut aller mieux qu’aujourd’hui. » L’enjeu est de taille. Vendredi, les jurés devront s’accorder sur la peine à prononcer. Et sur une éventuelle réclusion criminelle à perpétuité.
Un suivi strict pourrait-il permettre de maîtriser ces pulsions ? Là encore, François Renault se montre guère optimiste sur l’avenir. « On ne parle pas d’arrêter la cigarette, c’est bien plus complexe que cela et plus grave. Nous ne sommes pas dans un processus qui consiste à appuyer sur le bouton "on" ou "off". » Déjà hospitalisé pendant cinq ans dans une clinique psychiatrique, l’accusé a continué de tuer des animaux à chacune de ses sorties, rappelle l’expert. « Le problème étant structurel chez lui, on ne va pas le retransformer. On ne pourra pas le changer, même si un suivi permettra, peut-être un jour, d’adoucir certains aspects…. Mais ce n’est pas encore aujourd’hui ! »
Julien, lui, a été clair. Sa place est en prison, insiste-t-il. Il ne demande pas à en sortir. Cela l’empêche même de réitérer ses actes. « Sur les faits dont je suis accusé, il n’y a rien à contester. Pour moi, l’enjeu de ce procès, c’était de comprendre la nature précise qui m’a amené à les commettre », explique d’une voix posée le rondouillet jeune homme en baissant la tête. Et de conclure à l’intention des victimes : « J’espère qu’elles pourront construire un avenir et que ça les aidera à avancer. »
* Le prénom a été modifié