Strasbourg : Le « commissaire courage » Jean-François Illy va connaître son sort judiciaire
police•Près de quatre ans après sa retentissante révocation par le ministère de l’Intérieur, l’ancien patron de la police du Bas-Rhin et des Alpes-Maritimes, Jean-François Illy, va savoir ce mardi s’il est condamné ou non pour malversationsG.V. avec AFP
L’ex-commissaire va savoir ce mardi s’il est condamné ou non pour malversations, près de quatre ans après sa retentissante révocation par le ministère de l’Intérieur. L’ancien patron de la police du Bas-Rhin et des Alpes-Maritimes, Jean-François Illy, faisait l’objet d’une enquête administrative de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), qui le soupçonnait notamment d’avoir utilisé son chauffeur et sa carte bancaire de service pour des activités et des frais non professionnels lorsqu’il était le directeur départemental de la sécurité publique (DDSP) du Bas-Rhin. La justice lui reproche également d’avoir triché sur la composition de sa famille afin d’obtenir des logements de fonction plus grands.
Une décision rarissime
En janvier 2020, par une décision rarissime, le ministre Christophe Castaner avait démis de ses fonctions ce haut responsable de la police, surnommé « commissaire courage » après avoir été gravement blessé lors d’émeutes en région parisienne douze ans plus tôt.
Alors DDSP des Alpes-Maritimes, M. Illy avait été révoqué « dans la journée », le 8 janvier 2020. Son avocat de l’époque, Hervé de Surville, avait dénoncé une sanction « démesurée », « violente et injuste ».
Lors de son procès début juillet devant le tribunal correctionnel d’Epinal, le procureur a réclamé six mois de prison avec sursis, 6.000 euros d’amende et la privation des droits civiques, civils et de famille. Le parquet a également demandé 2.000 euros d’amende à l’encontre de l’épouse du prévenu.
Un « complot » ?
Son avocat, Yassine Maharsi, a dénoncé « un règlement de comptes politique », comme l’a rapporté le quotidien local Vosges Matin. L’intéressé avait dit devant la justice avoir « l’impression d’être traité comme un voyou ». Cité mardi par le quotidien Nice-Matin, l’ancien policier, mis à la retraite d’office, a mis ses déboires sur le compte d’un « complot » ourdi par des collègues jaloux. « Comme par hasard, c’est quand j’ai eu la promesse du président de la République d’être nommé à terme préfet de police que les attaques ont commencé », a-t-il déclaré.
Jean-François Illy, 58 ans, chevalier de la Légion d’honneur et décoré de la médaille d’honneur pour acte de courage et de dévouement, a été en poste dans le Bas-Rhin de fin 2012 à début 2019. A Strasbourg, il a notamment eu à gérer l’attentat du marché de Noël le 11 décembre 2018, qui avait fait cinq morts et une dizaine de blessés, et la traque de l’assaillant, abattu deux jours plus tard par les forces de l’ordre.
Il s’était également illustré plus tôt dans sa carrière alors qu’il était commissaire divisionnaire à Sarcelles (Val-d’Oise) : Jean-François Illy avait été surnommé « commissaire courage » par les médias après avoir été roué de coups par des jeunes qu’il tentait de calmer, lors d’émeutes à Villiers-le-Bel, en novembre 2007. Il avait été gravement blessé et le président de l’époque, Nicolas Sarkozy, accompagné de la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, s’étaient alors rendus à son chevet.
Des anomalies
Mais à l’été 2019, un banal audit de la DDSP du Bas-Rhin par l’IGPN avait précipité sa chute. Cet audit avait mis au jour des « anomalies » dans l’usage des voitures de l’administration, des cartes d’essence, des cartes d’achat ou encore de badges autoroutiers. Une enquête administrative avait mis en lumière d’importantes irrégularités estimées à plusieurs milliers d’euros, sur plusieurs années.
La justice n’a pas retenu contre lui l’accusation de harcèlement, mais le policier, charismatique, avait la réputation de terroriser ses équipes, rappelle Emmanuel Georg, secrétaire départemental du syndicat Unité SGP Police du Bas-Rhin. « On ne pouvait pas lui dire non », résume-t-il. Selon lui, cette affaire et d’autres ont conduit ces dernières années à une évolution positive du comportement des hauts cadres policiers, devenus « des justiciables comme les autres ». « Il y a vingt ans, un DDSP ou un commissaire divisionnaire, on ne pouvait pas les attaquer », expose le syndicaliste.