ControversesLe procès d’Éric Dupond-Moretti « affaiblit l’institution judiciaire »

Le procès d’Éric Dupond-Moretti affaiblit l’institution judiciaire, selon les syndicats de magistrats

ControversesLes deux principaux syndicats de magistrats ont estimé que le renvoi du garde des Sceaux devant la CJR le « décrédibilise » et « par ricochet, affaiblit l’institution judiciaire toute entière »
20 Minutes avec AFP

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«La situation est inédite : un garde des Sceaux en exercice sera jugé par la Cour de justice de la République pour des délits commis dans l’exercice de ses fonctions. » Dans un communiqué commun, l’Union syndicale des magistrats et le Syndicat de la magistrature n’ont pas manqué de critiquer le ministre de la Justice à l’annonce de son renvoi devant la Cour de justice de la République pour « prise illégale d’intérêts ».

Une situation qui le « décrédibilise » et qui « par ricochet, affaiblit l’institution judiciaire toute entière », ont estimé vendredi les deux principaux syndicats de magistrats.

Pas de réaction du ministre pour le moment

Éric Dupond-Moretti est soupçonné d’avoir profité de sa fonction de ministre pour régler des comptes avec des magistrats auxquels il s’était opposé dans sa première vie d’avocat. « Je suis d’abord à la tâche, vous l’avez vu et puis je répondrai le moment venu », a réagi vendredi devant la presse le ministre, en visite au Pontet (Vaucluse).

Éric Dupond-Moretti avait formé sept pourvois contre la procédure et un huitième contre l’arrêt d’octobre ayant prononcé son renvoi en procès.

Parmi les points litigieux soulevés, sur lesquels sa défense misait beaucoup, l’absence de notification au garde des Sceaux de son droit au silence lors d’une audience cruciale ; le tri de documents par une greffière ; le rôle de juge et partie attribué à François Molins, qui a quitté fin juin ses fonctions de procureur général près la Cour de cassation ; les plaintes initiales des syndicats de magistrats et d’Anticor, présentées comme irrégulières…

Les deux camps s’attendaient à une décision plus favorable au ministre, par exemple un retour du dossier d’enquête aux magistrats instructeurs.

Éric Dupond-Moretti « a confiance »

Mais la Cour de cassation a largement validé l’enquête, suivant intégralement les réquisitions formées par l’avocat général Frédéric Desportes lors de l’audience du 7 juillet.

Elle a expliqué dans un communiqué avoir principalement annulé une saisie de documents réalisée par une greffière lors de la perquisition de juillet 2021 au ministère, mais estimé que, même sans ces éléments, l’arrêt de renvoi faisait état de « charges suffisantes » pour permettre un procès.

Sur le droit au silence du ministre, la Cour de cassation relève que la commission d’instruction de la CJR « a informé le ministre de (ce) droit lorsqu’il a comparu la première fois devant elle pour être interrogé », en juillet 2021.

« Cette notification vaut pour toute la durée de la procédure d’information conduite par la commission d’instruction » et n’avait donc pas à être renouvelée lors de l’audience de notification des charges d’octobre 2022, d’après la Cour.

Éric Dupond-Moretti « a confiance et l’audience à venir lui permettra de faire la preuve de son innocence », ont réagi dans une déclaration à l’AFP Me Patrice Spinosi et Rémi Lorrain, ses deux avocats.

Lors de cette audience, dans un délai qui pourrait se compter en mois, le ministre « s’expliquera sur les faits qui lui sont reprochés (…) pour défendre ses droits comme tout justiciable », selon ses avocats.