Gradignan : Pour « désengorger » la prison pleine à craquer, l’opération « stop écrou » bientôt prolongée ?
trop plein•Depuis le 14 mai, la maison d’arrêt de Gradignan n’accueille plus de nouveaux détenus et le syndicat FO demande que cette suspension des admissions soit prolongée au moins jusqu’au 5 juinElsa Provenzano
L'essentiel
- Depuis le 14 mai, la maison d’arrêt de Gradignan, près de Bordeaux, refuse les admissions de détenus alors que son taux d’occupation atteint les 230 %.
- La mesure exceptionnelle, baptisée « stop écrou », n’avait jamais été prise dans l’établissement girondin. Elle porte ses fruits mais le syndicat FO demande qu’elle soit prolongée au moins jusqu’au 5 juin.
- L’idée est de laisser un peu de temps pour désengorger la prison. A terme le syndicat espère aussi que les juridictions auront davantage recours « aux alternatives à l’écrou. »
Dans le jargon pénitentiaire, la maison d’arrêt de Gradignan est en « stop écrou ». Depuis le 14 mai, l’établissement refuse les admissions de détenus alors que son taux d’occupation atteint les 230 %. Une mesure exceptionnelle qui n’avait jamais été prise dans la prison girondine et dont on trouve un seul exemple en France : à Villepinte en 2017. Les personnes condamnées par la juridiction bordelaise se retrouvent écrouées à Pau ou à Mont-de-Marsan, les seuls établissements de la région dans lesquels il reste un peu de place.
« La situation est au bord de l’explosion, en particulier sur le plus gros des bâtiments, le A, qui accueille 497 détenus dans 233 cellules », rapporte Hubert Gratraud, représentant du personnel permanent FO Justice, au centre pénitentiaire de Bordeaux Gradignan. Alors que la suspension des admissions est prévue jusqu’au 30 mai, son syndicat demande un report jusqu’au 5 juin au moins, le temps d’organiser une baisse de la population carcérale plus marquée. « C’est une nécessité absolue, sinon on risque de gros incidents », souligne Hubert Gratraud.
« Aujourd’hui, ce dispositif de réaffectation a permis de faire baisser le taux d’occupation du quartier sans résorber pour autant le phénomène de surpopulation, commente l’administration pénitentiaire, sollicitée par 20 Minutes. La situation est suivie de près par les services pénitentiaires en lien avec les autorités judiciaires. »
« Encore 108 triplettes »
La maison d’arrêt compte 826 détenus, contre 868 au moment de la mise en place du « stop écrou ». Il y a eu des transferts, des libérations mais aussi des placements sous bracelets électroniques. Ce n’est pas une baisse significative pour le syndicaliste qui rapporte une situation encore tendue : « Il y a encore 108 triplettes (trois détenus dans la même cellule) au lieu de 130 le 12 mai. Quand le troisième arrive dans la cellule il y a souvent des insultes et des violences. » Pour lui, l’impératif est de réduire les triplettes à une quarantaine au maximum, qu’elles restent l’exception et pas la règle.
Du côté du personnel de surveillance, la tension est aussi palpable. « On en a certains qui commencent à venir à reculons, surtout quand il s’agit d’installer une triplette par exemple, raconte Hubert Gratraud. La population des détenus est de plus en plus vindicative, et on la comprend. » Sur le bâtiment A, qui comporte six étages, les surveillants se retrouvent parfois seulement à cinq le week-end, contre 12 en effectif « normal ». Pas le temps de discuter avec les détenus, ni de répondre à leurs besoins, ce qui ne fait qu’attiser les tensions.
Des alternatives à l’incarcération
« Il faut une sensibilisation des juridictions pour développer des alternatives à l’écrou et il en existe beaucoup », estime le représentant FO. « La loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice du 23 mars 2019 a pour objectif, rappelle l’administration pénitentiaire, de redonner du sens à la peine en favorisant la prévention de la récidive et la préparation à la réinsertion en développant l’offre de peines et leur exécution en milieu ouvert : sursis probatoire, détention à domicile sous bracelet électronique ; peines de stage, travail d’intérêt général… »
L’administration pénitentiaire fait valoir son plan de construction de « 15.000 places nettes de prison supplémentaires à l’horizon 2027. » « Les lieux de construction des futures structures pénitentiaires ont été choisis en fonction de la surpopulation actuelle et de la surpopulation estimée à venir, précise-t-elle encore. Les besoins prioritaires sont concentrés dans les grandes agglomérations, dont Bordeaux. » En attendant, le représentant syndical espère que les autorités laisseront le temps à la prison « de se désengorger un peu, sinon ça n’aura servi à rien ». Beaucoup de détenus pourraient repartir dans leur région, par exemple. Certains ont intégré l’établissement pour être jugés et ne sont pas repartis par la suite. L’un des détenus de Gradignan attend son procès depuis 2017.