Dordogne : Une cavale de 36 heures, un face-à-face avec le GIGN… Terry Dupin face aux juges
proces•Terry Dupin, qui avait agressé son ex-compagne avant d’être traqué par des centaines de gendarmes, comparaît de mardi à jeudi devant le tribunal correctionnel de Périgueux pour violences volontaires aggravéesThibaut Chevillard
L'essentiel
- Terry Dupin comparaît de mardi à jeudi devant le tribunal correctionnel de Périgueux pour des violences volontaires aggravées commises fin mai 2021. Récidiviste, il encourt jusqu’à quatorze ans d’emprisonnement et 200.000 euros d’amende.
- Armé d’une carabine de chasse, cet employé d’une entreprise de travaux publics, aujourd’hui âgé de 31 ans, avait fait irruption au domicile de son ex-compagne, mère de leurs trois enfants, agressant cette dernière et son nouveau compagnon de l’époque.
- Cet ancien militaire avait été interpellé 36 heures plus tard. Il avait été grièvement blessé au cou par un tir de riposte du GIGN. Plus de 300 gendarmes avaient été mobilisés pour cette traque.
Il est un peu plus de minuit, ce dimanche 30 mai 2021, lorsque les gendarmes arrivent chez Amandine, au Lardin-Saint-Lazare (Dordogne). Des voisins les ont alertés après avoir entendu des cris et des détonations. La jeune femme est toujours à l’intérieur de la maison avec Loïc, son conjoint de l’époque, et ses trois enfants. Ils sont séquestrés par Terry Dupin, son ex-compagnon, qui les menace avec une carabine. Les militaires du Psig (Peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie), appelés en renfort, s’apprêtent à donner l’assaut. Soudain, cet ancien militaire surgit et leur tire dessus. Le forcené se dirige vers les voitures des gendarmes et desserre les freins à main des véhicules, qui basculent dans un fossé. Il crève ensuite les pneus, actionne les gyrophares et vole du matériel aux gendarmes avant de prendre la fuite.
Trente-six heures plus tard, Terry Dupin est interpellé par le GIGN au terme d’une traque qui aura mobilisé plus de 300 gendarmes. Au moment de son arrestation, il est grièvement blessé à la gorge par un tir de riposte des militaires qu’il avait visé.
Deux ans après, cet homme âgé de 31 ans, comparaît de mardi à jeudi devant le tribunal correctionnel de Périgueux pour violences volontaires aggravées à l’encontre des personnes croisées au cours de son périple violent, à commencer par Amandine. Tout au long de l’instruction, il a soutenu ne pas avoir voulu tuer son ex-compagne, avec qui les relations étaient houleuses, et Loïc, son compagnon de l’époque. Son plan, a-t-il affirmé, consistait à demander des « explications » à Amandine, et à « attirer le GIGN, pour en finir », c’est-à-dire à provoquer les gendarmes pour qu’ils lui tirent dessus.
Des dizaines de plaintes, un bracelet électronique
Au moment des faits, Terry Dupin est séparé de la mère de ses enfants depuis cinq mois. Les huit années qu’ils ont passées ensemble ont été chaotiques : infidélités, jalousie, violences physiques et verbales… La jeune femme a bien déposé plainte une dizaine de fois. Son ex-compagnon a même été condamné à quatre reprises et incarcéré deux fois. Mais il ne respecte pas les mesures d’éloignements prises à son encontre. Il porte d’ailleurs un bracelet électronique et a interdiction de s’approcher d’elle. L’idée qu’Amandine ait pu refaire sa vie avec un autre homme l’insupporte.
Ce samedi soir-là, alors qu’elle échange avec Loïc des baisers dans son jardin, la jeune femme ignore que Terry Dupin les espionne grâce à une caméra miniature qu’il contrôle à distance. Cet ancien soldat du régiment d’infanterie de Brive s’équipe alors comme pour partir en opération. Quelques minutes plus tard, il fait irruption au domicile d’Amandine. Il frappe Loïc et ouvre le feu entre ses jambes en le menaçant de mort. Puis il force la porte de la salle de bains, dans laquelle s’est réfugiée son ex-conjointe. Il l’insulte et la frappe. Les enfants sont réveillés et assistent en partie à la scène.
« Difficultés à contrôler sa colère »
Après l’arrivée des gendarmes, Terry Dupin se lance dans une folle cavale dans une zone boisée, entre les communes du Lardin-Saint-Lazare et de Condat-sur-Vézère. Durant ces 36 heures, il est repéré à plusieurs reprises. Notamment par des adolescents qui circulent une nuit à scooter sur une route départementale, et que le fuyard prend pour cible. Son périple prend fin le lundi 31 mai, vers 10 heures, près de Condat-sur-Vézère, lors d’un face-à-face avec les hommes du GIGN. Blessé par balle à la gorge, il est transporté à l’hôpital Pellegrin de Bordeaux.
Les experts qui l’ont examiné n’ont décelé aucune pathologie mentale particulière. Selon eux, son discernement n’était ni altéré, ni aboli au moment des faits. Mais ils décrivent « un trouble de la personnalité limite ou borderline », pointent une « particulière instabilité relationnelle » et « des difficultés à contrôler sa colère ». Depuis son placement en détention provisoire, il a tenté de mettre fin à ses jours à trois reprises en arrachant son dispositif de trachéotomie.
« Que se passera-t-il le jour où il sortira de prison ? »
A l’approche de ce procès, Amandine « est à la fois anxieuse à l’idée de le recroiser, mais aussi impatiente car elle souhaite tourner la page de cette histoire, de ces huit années de relation », explique à 20 Minutes son avocat, Me Réda Hammouche. La jeune femme « veut se reconstruire avec ses enfants, ne plus être atteignable par Terry Dupin », ajoute-t-il. « Son obsession, c’est la sécurité. Elle connaît la dangerosité de cet homme à laquelle elle a déjà été confrontée. Que se passera-t-il le jour où il sortira de prison ? Il était sous bracelet électronique et ça n’a pas empêché les faits de se produire. Elle veut absolument éviter qu’un tel scénario se répète, et que les mesures adéquates soient prises. »
Initialement poursuivi pour tentatives d’assassinat, le prévenu a échappé à la cour d’assises « en l’absence de certitude quant à son intention homicide », note la juge d’instruction dans son ordonnance de renvoi. La magistrate estime qu’il a eu l’occasion de tuer Loïc, l’homme que fréquentait son ex-conjointe, mais ne l’a pas fait. Elle ajoute qu’il a tiré « de façon assez désordonnée » sur les gendarmes. L’avocat de Terry Dupin, Me Arnaud Dupin, n’a pas donné suite à nos sollicitations. « C’est un homme cassé », déclarait-il, l’an dernier, au journal Sud-Ouest. « Il n’a pas tenté de tuer qui que ce soit. Il s’est présenté armé, mais c’était dans le cadre d’une rébellion amoureuse avec volonté de mettre fin à ses jours. »