Féminicide à Cagnes-sur-Mer : Le suspect du meurtre de Salomé passe aux aveux au premier jour de son procès
Violences faites aux femmes•Le meurtre de Salomé Garnesson, 100e féminicide de l’année 2019, avait suscité une vague d’émotion et d’indignation dans toute la France. Jugé cette semaine pour meurtre aggravé, son ex-compagnon encourt la réclusion criminelle à perpétuitéFabien Binacchi
L'essentiel
- Dans la nuit du 30 au 31 août 2019, Salomé Garnesson avait été battue à mort. Son corps meurtri et tuméfié avait été retrouvé enroulé dans un tapis, sous un tas de détritus, près de la gare de Cagnes-sur-Mer.
- Sa mort, considérée comme le 100e féminicide de 2019 et survenue quatre jours avant l’ouverture du Grenelle contre les violences conjugales, avait suscité une vague d’émotion et d’indignation à travers la France.
- Amin Mimouni, son compagnon, qui avait toujours nié l’avoir tuée, a fini par avouer lundi à l’ouverture du procès dans lequel il comparaît pour meurtre aggravé. « Je reconnais les faits », a reconnu cet homme « narcissique » qui n’aurait pas supporté qu’elle veuille le quitter.
«T’avais raison, j’ai bien trop peur de toi pour te le dire en face. […] Je subirais plus toute ta violence. J’ai pris ma décision. J’aime quelqu’un qui m’agresse, me frappe, me crache dessus, m’étrangle et m’insulte. Je me sens morte. » Lu par la présidente de la cour d’assises des Alpes-Maritimes lundi matin, le dernier message de Salomé Garnesson à son compagnon résonne comme un sombre présage. Il date du 11 juillet 2019. Le dernier jour où la jeune femme de 21 ans aura pu se servir de son téléphone. Elle voulait mettre un terme à cette relation qui l’avait coupée du reste du monde. Un mois et demi plus tard, le matin du 31 août, son corps meurtri, tuméfié est retrouvé enroulé dans un tapis, sous un tas de détritus, près de la gare de Cagnes-sur-Mer.
La nuit précédente, Amin Mimouni, âgé alors de 26 ans et avec qui elle était en couple depuis neuf mois, l’aurait battue à mort. Il avait toujours nié, expliquant qu’il y avait bien eu une dispute, lui venant de la quitter, mais qu’elle était bien vivante quand ils s’étaient séparés. Lundi à l’ouverture du procès dans lequel il comparaît pour meurtre aggravé, il a fini par avouer : « Je reconnais les faits », a-t-il lâché d’une voix faible.
« Un jeune est en train de massacrer une fille »
Les détails que venait de partager la présidente de la cour Catherine Bonnici étaient accablants. Cette nuit de l’été 2019, dans la rue Garigliano, à Cagnes-sur-Mer, une dispute et des cris réveillent toute une famille. La mère décrit en direct la scène à police secours, par téléphone : « Un jeune est en train de massacrer une fille. Elle hurle à la mort. » La victime se fait rouer de coups, étrangler. Son bourreau lui saute sur le ventre à pieds joints, lui frappe la tête contre le bitume. Insoutenable.
Dans la salle, des proches de Salomé Garnesson, dont certains portent un tee-shirt imprimé avec une photo de la jeune femme, souriante, essuient des larmes. Une femme, visage baissé, se bouche les oreilles. D’autres se tournent, le regard noir, vers l’accusé, dont la description colle parfaitement avec celle faite alors par les témoins du meurtre : « métis, 1,80 m, les cheveux crépus coiffés en chignon ». Les bras croisés dans un blouson à motifs bariolés, une paire de lunettes sur le nez, Amin Mimouni ne réagit pas.
Elle n’a pu être identifiée que grâce à son ADN
Ce déchaînement de violence aura été tel que le père de la jeune femme, dont le décès est lié à un traumatisme cranio-facio-cervical selon les conclusions du légiste, ne sera pas capable de l’identifier. Seule une comparaison de leurs deux ADN permettra de confirmer formellement qu’il s’agissait bien de Salomé.
Le corps de la jeune femme ne sera retrouvé par un passant que plusieurs heures plus tard, un peu avant midi, où le meurtrier avait traîné et abandonné le corps. Un équipage des forces de l’ordre, arrivé quelques minutes après l’appel de la mère de famille, témoin de la scène, n’avait rien décelé. Ils avaient pourtant croisé Amin Mimouni, qui repartait en direction du domicile de sa mère, chez qui le couple était installé à quelques dizaines de mètres de là. Leur intervention, critiquée, avait donné lui à une enquête de l’IGPN, à l’issue de laquelle un des policiers avait reçu un blâme.
Une jeune femme sous emprise
La mort de Salomé Garnesson, à la fin de l’été 2019, avait suscité une vague d’émotion et d’indignation à travers toute la France. Considérée comme la 100e victime de féminicide cette année-là, la jeune femme était tuée quatre jours avant l’ouverture du Grenelle contre les violences conjugales. Et l’enquête avait permis de tracer les contours d’une relation toxique, sous l’emprise d’Amin Mimouni.
Des témoins ont expliqué qu’elle ne se maquillait plus, qu’elle devait porter des vêtements larges. Il possédait tous ses codes d’accès à ses réseaux sociaux. Il avait même fini par la priver de téléphone. L’emprise était presque totale. Affichant une jalousie exacerbée jusqu’à la surveiller de longues heures la boulangerie où elle travaillait après avoir abandonné ses études quelques mois après le début de leur relation, il la suspectait de le tromper. Elle avait fini par vouloir le quitter. Amin Mimouni, un homme « narcissique » selon une experte psychiatrique tenue témoigner lundi, ne l’aurait pas supporté.
Salomé a été « rappelée à Dieu » selon lui
« Il se disait amoureux, mais pour lui l’amour c’est peut-être l’appartenance », a détaillé l’experte qui n’a détecté chez lui « aucune pathologie ». Elle explique quand même qu’il « n’a aucune empathie pour la victime » et qu’il peut présenter une « dangerosité sociale », avec un risque de récidive. L’accusé, chez qui il y a une « certaine banalisation de la violence » avait d’ailleurs déjà été visé par une plainte, déposée par une ex-petite amie en 2016, et finalement classée sans suite. Les enquêteurs ont aussi retrouvé plusieurs mains courantes déposées par la mère d’Amin Mimouni contre lui.
Selon une psychologue également interrogée par la cour dans l’après-midi, l’accusé se montrerait très virulent contre ses anciennes compagnes, qu’il traitait de « petits tas de merde », même plus d’un an après le meurtre de Salomé Garnesson.
Battu par son père quand il était enfant et en conflit avec sa mère, selon l’enquête de personnalité, également accro au cannabis, l’homme interroge aussi sur son rapport à la religion. Dans des courriers transmis durant sa détention à la juge d’instruction, l’homme qui se dit musulman, pratiquant depuis deux ans avec « sept prières par jour » mais qui n’a pas été signalé pour radicalisation, écrivait que la jeune femme avait été « rappelée à Dieu ». « Par la volonté de qui Salomé a-t-elle été rappelée ? Par la volonté de qui Salomé a-t-elle perdu la vie ? », lui a demandé à plusieurs reprises la présidente de la cour d’assises. « Les faits, je les reconnais et je m’en excuse » mais « je ne réponds pas aux questions relatives à la religion », a-t-il répondu, agacé. Le verdict est attendu vendredi.
À lire aussi