procèsPour ses proches, Marie-Bélen est morte d’un « féminicide non intime »

Marseille : « Marie-Bélen est morte d’un féminicide non intime, pas d’un vol de portable »

procèsLe meurtrier présumé de l’étudiante de 21 ans, poignardée à la sortie du métro à Marseille, est jugé devant la cour d’assises des mineurs d’Aix-en-Provence
Caroline Delabroy

Caroline Delabroy

L'essentiel

  • Marie-Bélen, étudiante de 21 ans, est morte poignardée à la sortie du métro à Marseille, le 17 mars 2019.
  • Son meurtrier présumé, mineur au moment des faits, comparaît à partir de ce lundi pour « vol avec violence ayant entraîné la mort », en l’occurrence le vol du téléphone portable de la jeune fille.
  • La famille de Marie-Bélen veut faire reconnaître un « féminicide non intime » et organise vendredi à rassemblement féministe à Aix-en-Provence et à Paris.

«Pour nous, c’est un féminicide ». Alors que le procès du meurtrier présumé de sa fille Marie-Bélen s’ouvre ce lundi devant la cour d’assises des mineurs d’Aix-en-Provence, Ruben Pisano ne digère pas la qualification retenue par le juge. « Nous avons la certitude que l’assassin cherchait une femme, pas notre fille spécialement, et que le vol de son téléphone n’est pas le moteur du passage à l’acte, poursuit-il, la voix serrée. On attend qu’il parle, qu’il dise pourquoi il a fait ça. »

Le meurtre de cette étudiante de 21 ans originaire d’Alès, poignardée le 17 mars 2019 à la sortie d’une station de métro à Marseille, avait ému jusqu’au maire de la ville. Dans un communiqué, celui-ci avait appelé la police et la justice à « tout mettre en œuvre pour retrouver le coupable dans les meilleurs délais afin qu’il soit jugé et puni à la hauteur de l’horreur de son acte ». Identifié par son ADN dans les mois qui suivent, l’adolescent de 17 ans est finalement poursuivi pour « vol avec violence ayant entraîné la mort », en l’occurrence le vol du téléphone portable de la victime. Il encourt la perpétuité.

« Il reste un jeune homme qui tue une jeune femme »

« Pour nous, c’est un peu la facilité d’utiliser le vol d’un téléphone à quatre sous, avance Me Béryl Brown, avocate de la famille de Marie-Bélen. A mon sens, ce vol pollue le dossier. Si vous évacuez la question du téléphone, il reste un jeune homme qui tue une jeune femme alors qu’ils ne se connaissent pas. Je te tue pour ce que tu es toi. ». Aussi, l’avocate entend-elle plaider un « féminicide non intime » : « Juridiquement, on ne peut pas faire requalifier en ce sens, mais mon rôle en tant que partie civile est de mettre dans le débat la question, d’interroger la cour et les jurés sur cette notion. » De son côté, Me Denis Fayolle, avocat de la défense, n’a pas souhaité faire de déclaration avant le procès.



« En France, on réduit souvent le féminicide aux féminicides conjugaux, qui sont les plus visibles », déplore Rosa Muriel Mestanza, enseignante et doctorante en sociologie et genre à l’université Paris-Cité. « En Amérique latine, cela fait longtemps que l’on distingue différents types de féminicides. On parle aussi de féminicides territoriaux, utilisés comme une façon de s’approprier une terre, de féminicides non intimes, commis par des personnes avec laquelle la victime n’a pas de lien intime, à l'image d'un harcèlement de rue qui finirait en féminicide. »

Rosa Muriel Mestanza n'est pas seulement chercheuse, elle fait aussi partie des proches de Marie-Bélen : « C’était comme ma petite sœur, elle avait 9 ans quand je l’ai connue, j’ai été mariée à son frère. Elle allait partir en Erasmus au Portugal, c’était quelqu’un qui débordait de vie, une artiste incroyable et très engagée dans la lutte contre toutes les formes d’injustice. La dernière photo que nous ayons d’elle, c’est lors de la manifestation du 8 mars à Marseille. » Sa famille et ses amis appellent à un rassemblement féministe à Paris et devant la cour d’assises d’Aix-en-Provence vendredi, dernier jour attendu du procès. Pour rendre visible ce « féminicide non intime » mais aussi, et avant tout peut-être, « parce que c’est ce que Marie-Bélen aurait fait. »