« C’est le diable sur Terre »… Au procès de « Mr WaynZ », une ancienne compagne décrit « l’enfer »
Compte rendu•A la barre de la cour d’assises de Paris, ce vendredi, l’une des anciennes compagnes de Yannick N., accusé de viols, tentatives de meurtres et séquestration par quatre jeunes femmes, est revenu sur « l’enfer » qu’il lui a fait vivre pendant trois ansManon Aublanc
L'essentiel
- Accusé de tentative d’homicide, viols et violences sur quatre de ses ex-compagnes, Yannick N., un streameur de jeu vidéo connu sous le nom de « Mr WaynZ » est jugé du 31 janvier au 10 février, par la cour d’assises de Paris.
- Coups de pied et de poing, menaces de mort, séquestration, étranglement… Les quatre plaignantes décrivent toutes des scènes d’une grande violence.
- Ce vendredi, au quatrième jour du procès, Fiona*, une des anciennes compagnes de Yannick N., a raconté « l’enfer » que lui a fait vivre le streameur pendant près de trois ans.
«A la moindre frustration, il explosait en rage, il devenait incontrôlable. Dès qu’il n’avait plus de mots, il utilisait la violence ». Pendant près de trois ans, Fiona* va faire face presque quotidiennement aux excès de colère et aux coups de Yannick N., son ancien petit ami. Ce vendredi, devant la cour d’assises de Paris, il faudra près de deux heures à la jeune femme de 29 ans, entrecoupées de lourds silences et de sanglots, pour raconter « l’enfer » que lui a fait vivre le streameur, plus connu sous le nom de « Mr WaynZ ». L’homme, âgé de 34 ans aujourd’hui, est jugé depuis mardi par la cour d’assises de Paris pour tentative de meurtre, viols et séquestrations sur quatre anciennes compagnes.
Quand elle rencontre Yannick N. en 2015, Fiona a 22 ans, elle habite à Bordeaux. Elle vient de se séparer de son ancien compagnon. Plongée dans une profonde dépression, la jeune femme occupe son temps en jouant aux jeux vidéo. C’est là qu’elle fait la connaissance du streameur. Le contact passe tout de suite, ils ont la même passion. « Au début, c’était quelqu’un de très drôle et très amusant », raconte-t-elle à la barre, les bras croisés et les épaules rentrées. Pendant plus d’un an, cette technicienne de laboratoire monte à plusieurs reprises chez lui à Paris. Mais au fur et à mesure des mois, c’est une tout autre personnalité qu’affiche le streameur. Le jeune homme, qu’elle décrit comme jaloux et possessif, s’énerve facilement, l’insulte, l’empêche de sortir et la coupe petit à petit de ses proches.
« J’étais sous emprise »
Fin juillet 2017, « c’est là que ça commence à se dégrader », raconte la jeune femme en sanglotant. A la colère s’ajoutent désormais les coups. « C’était pour n’importe quoi, quand la litière du chat était sale, quand la vaisselle était mal faite, quand un plat n’était pas assez chaud. C’était des gifles, des bousculades et des insultes ». Un soir, une dispute éclate entre les deux, Yannick la frappe, la fait basculer au sol et enchaîne les coups de pied et de poings, notamment au visage. La jeune femme réussit à se relever et part s’enfermer dans la salle de bains. « Je ne pouvais pas sortir de l’appartement, il avait fermé à clef et il l’avait mise dans sa poche. Il faisait ça à chaque fois ». L’homme tambourine à la porte et lui intime d’ouvrir, mais elle refuse. Elle reste prostrée pendant plusieurs heures, « en attendant qu’il se calme », décrit-elle, avant de marquer un long silence. « C’est là que j’ai commencé à avoir très peur. Je n’avais nulle part où aller, plus d’argent, plus d’amis. Je n’étais rien sans lui. C’est comme s’il était rentré dans mon cerveau, qu’il était ma seule solution. J’étais sous emprise ».
Fiona vit dans la peur, jusque dans le lit conjugal. Un soir, Yannick demande un rapport sexuel, mais la jeune femme a mal au ventre et refuse. Son compagnon la supplie avant d’exploser de rage. Il la rabaisse, la menace d’aller voir ailleurs et tape dans les murs. « J’étais terrifiée, je me suis demandée ce qu’il allait me faire. J’ai préféré dire oui et attendre que ça passe », confie-t-elle pendant son témoignage, le dos toujours tourné à l’accusé. En novembre 2017, Yannick est au Paris Games Week, le salon du jeu vidéo. Elle profite de son absence pour récupérer ses affaires et se réfugier chez son frère. « Je suis partie du jour au lendemain en lui disant que c’était terminé », explique la jeune femme.
« Soit je me défends, soit je meurs »
Mais leur séparation ne dure que quelques mois et elle se réinstalle chez le streameur en mars 2018. Et l’histoire se répète sans fin. Yannick « redevient gentil », cesse les coups, lui dit qu’il va suivre une thérapie, qu’il va changer. « Je ne sais pas pourquoi je l’ai cru. J’étais tellement convaincue que je n’étais rien sans lui que je préférais avoir lui que personne », avoue Fiona. L’accalmie ne dure qu’un temps, avant que « l’enfer » ne recommence en septembre 2018. Une énième dispute éclate. L’homme la frappe, lui fait des croche-pieds et l’étrangle. Alors qu’elle commence à suffoquer, Fiona attrape la première chose qui lui passe sous la main, un couteau, et lui plante dans le bras. « Je me suis dit, c’est soit je me défends, soit je meurs », raconte-t-elle, évoquant « un instinct de survie ». Choquée, elle se précipite pour lui faire un garrot et appeler les pompiers. « Il m’a dit "Tu dis que c’est un accident ou je te tue. Tu ne racontes rien" », poursuit-elle.
Mais en plus des pompiers, ce sont les gendarmes qui se présentent au domicile du streameur. Les deux conjoints sont emmenés au commissariat pour leurs dépositions. Yannick ressort libre, mais Fiona, elle, est placée en garde à vue. Tous les deux poursuivis pour violences réciproques, ils écoperont en mars 2019 de la même peine, quatre mois de prison avec sursis. « Je ne comprends pas pourquoi il n’y a pas eu d’enquête, pourquoi il est ressorti libre, pourquoi c’est moi qui suis passée pour la méchante qui a pris un couteau pour survivre alors qu’il m’a frappée pendant trois ans », demande-t-elle à la cour. « Mais pourquoi être restée si vous décrivez un enfer ? », l’interroge l’avocat général. « Par peur et par emprise, répond Fiona. Il m’a persuadée que je ne pouvais pas vivre sans lui, qu’il m’était indispensable. Il contrôlait mon esprit, mon argent, mes déplacements. Je n’étais plus moi-même ».
« C’est grave, ce que j’ai fait »
Traumatisée, la jeune femme reste plusieurs mois prostrée chez elle. « J’ai déménagé en Vendée pour être sûre qu’il ne me retrouve pas. J’étais persuadée qu’il me suivait, qu’il était à chaque coin de rue. Il m’a toujours dit que, s’il allait en prison à cause de moi, il se vengerait », peine à raconter la jeune femme, qui a expliqué avoir adopté un chien malinois, éduqué à la défense. « Si vous deviez résumer cet homme en un mot ? », enchaîne l’avocat général. « C’est le diable sur Terre », conclut Fiona après plus de deux heures à la barre, prenant le soin de ne jamais regarder son ancien compagnon.
Ce n’est que quelques heures plus tard, après l’audition d’un témoin, que la parole a été donnée à Yannick. Dos voûté, crâne rasé et visage amaigri, le streameur, qui s’est débarrassé de la longue barbe qu’il arborait au moment des faits, s’est levé à l’invitation de la présidente. « Je suis mitigé sur le récit qu’elle a livré », a-t-il débuté au micro de son box vitré. « C’est vrai, c’est grave, ce que j’ai fait », a-t-il ajouté, reconnaissant les faits de séquestration. « Je l’empêchais de sortir, parfois pendant une ou deux heures. Je n’ai pas d’excuse pour ça ». Mais le jeune homme, « jaloux et possessif » selon ses propres termes, ne faisait que « répondre » aux insultes et aux coups de son ancienne petite amie, a-t-il expliqué à propos des faits de violences qui lui sont reprochés. Le procès doit encore se poursuivre jusqu’au 10 février.
*Les prénoms ont été modifiés.