ProcèsDes accusés «incapables de donner une explication» aux actes de barbarie

Nord : « Les accusés sont incapables de donner une explication » aux actes de barbarie, selon l’expert-psychiatre

ProcèsAux assises du Nord, l’expert psychiatre a livré son analyse des faits concernant les violences et actes de torture sur le petit Joris*
Gilles Durand

Gilles Durand

L'essentiel

  • Le procès des six accusés, dans une affaire d'actes de barbarie envers un enfant de 2 ans et demi, aux assises du Nord, était consacré, ce mardi, aux expertises psychiatriques.
  • L'expert a livré son analyse des faits en évoquant d'autres dossiers similaires dans la région.
  • Selon lui, « il ne faut pas s’attendre à une explication de la part des accusés, ils en sont totalement incapables ».

«Ils sont tous interdépendants et ont construit une alliance diabolique. » A la barre, l’expert-psychiatre tente d’analyser ce qui s’est passé pendant dix jours, en décembre 2018. Dix jours pendant lesquels le petit Joris*, 2 ans et demi à l’époque, a subi des violences inouïes, qualifiées d’acte de barbarie par la justice.

Notamment, dans la soirée du vendredi 14 décembre. Sébastien B. et sa femme Coraline R., ainsi que deux amis, Kévin et Jordan D., sont accusés de s’être défoulés, alcoolisés, sur l’enfant jugé trop turbulent. La liste des sévices est longue et difficilement audible, l’enfant servant de ballon de foot, au paroxysme de la violence. Il s’en est sorti vivant, par miracle, lorsque sa mère a fini par le conduire à l’hôpital.

« Ils sont tous ensemble, dans ce huis clos »

Le 7e jour de ce procès hors-norme, aux assises du Nord, à Douai, a donc vu un médecin lillois, expert-psychiatre, venir évoquer le profil des six accusés. Car sur le banc figurent aussi Christine P., la mère de Joris*, pour violences antérieures sur l’enfant et Audrey R., la femme d’un des mis en cause, pour non-dénonciation.

« Ils sont tous ensemble, dans ce huis clos », explique le docteur Ameziane Aït-Menguellet, après avoir dressé des portraits d’individus cabossés par l’existence et à l’enfance souvent chaotique. « Pourquoi en arrive-t-on à ces actes insoutenables ?, interroge-t-il. Dans cette affaire, on a deux frères, deux sœurs et un couple : Sébastien B. et sa maîtresse, Christine P. [la mère de Joris*]. Ce couple s’inscrit dans une connotation passionnelle. Cet enfant dérange ce couple. »

Et de citer trois autres affaires nordistes qui résonnent en écho : Marc, 5 ans, battu à mort par son beau-père, en 2005, à Auby ; Typhaine, 5 ans, assassinée par la mère et le beau-père, en 2009, à Aulnoye-Aymeries et Yanis, 4 ans, tué par son beau-père parce qu’il avait fait pipi au lit, en 2017, à Aire-sur-la-Lys.

« C’est une tragédie de la haine et de la vengeance. »

« A chaque fois, on retrouve trois types de motivation : corriger l’éducation d’un enfant, le contraindre au sein d’une recomposition parentale et supprimer le frein au bonheur du couple, analyse l’expert. En s’acharnant sur un enfant, ils pensent contrecarrer leurs propres meurtrissures, la brutalité dont eux-mêmes ont été victimes. Ils pensent que ce geste peut leur donner accès à un bonheur impossible. C’est une tragédie de la haine et de la vengeance. »

D’où l’acharnement dont Joris*. a été victime, mais aussi la violence qui jalonne l’éducation des filles de Sébastien B. et de l’autre fils de Christine P. Pour le psychiatre, « il ne faut pas s’attendre à une explication de leur geste, ils en sont totalement incapables ».

« Ça ne sert donc à rien que je pose toutes ces questions du pourquoi ? Je n’aurai aucune réponse ? », s’inquiète la présidente de la cour. « Vous n’aurez pas de réponses, confirme le docteur Aït-Menguellet. Mais j’espère qu’on ne fait pas ça pour rien. ». « Mais alors, dans ce cas, que vais-je dire aux enfants ? », demande alors leur avocat, Me Alain Reisenthel. Silence pesant.

« Comme de la nitroglycérine… »

Dans les couloirs, Loïc Bussy, avocat de Sébastien B., principal accusé dans cette affaire, se confie : « Cette analyse était très importante. Elle permet de comprendre le mécanisme du passage à l’acte ». Selon lui, « l’effet de groupe et l’alcool ont indéniablement joué, mais c’est une multiplicité de facteurs qui ont permis la commission des faits. Comme de la nitroglycérine, qui ne demande qu’à exploser à la moindre étincelle. »

Le résultat, c’est un enfant plongé dans le coma artificiel pour être opéré. Et quatre ans plus tard, le médecin légiste qui l’a examiné et le chirurgien qui l’a opéré se souviennent encore de lui.

*Le prénom a été modifié.