Procès« La vie d’Axelle n’avait aucune importance pour eux »

Mort d'Axelle Dorier : « Sa vie n’avait aucune importance pour eux »

ProcèsÀ partir de mardi, deux jeunes hommes seront jugés devant les assises du Rhône pour avoir tué Axelle Dorier en la traînant sous leur voiture sur plus de 800 mètres, un soir de juillet 2020. À la veille du procès, sa famille s’est confiée à 20 Minutes
Caroline Girardon

Caroline Girardon

L'essentiel

  • Axelle Dorier, 22 ans, est décédée le 19 juillet 2020 à Lyon après avoir été renversée par une voiture et traînée sur 807 mètres.
  • Le conducteur du véhicule et son passager seront jugés à partir de mardi devant les assises du Rhône.
  • A la veille du procès, la famille d’Axelle s’est confiée à 20 Minutes.

Depuis le 19 juillet 2020, Pierre Dorier qui ne « voulait pas de chat » à la maison, a pris Olly sous son aile. Aujourd’hui, le petit animal est tout ce qui lui reste de sa fille Axelle. « Quand je suis allé chez elle, il était couché sur son lit. Il m’a regardé comme s’il savait qu’elle ne serait plus jamais là. Il est venu vers moi. Il savait qu’il allait repartir avec moi. Et il est reparti avec moi… »

Axelle aurait eu 23 ans, le lendemain. Seulement, la jeune femme qui était partie fêter l’événement avec ses frères jumeaux – nés deux années et un jour après elle – ainsi que leurs amis, a eu la vie fauchée par un chauffard. La soirée a tourné au cauchemar. Percutée par une voiture sur les hauteurs de Fourvière à Lyon, la victime a été traînée sur 807 mètres sans avoir aucune chance de s’en sortir.

Le conducteur de la Golf qui l’a renversée et son passager seront jugés à partir de mardi devant la cour d’assises du Rhône. Le premier comparaîtra pour « violences avec usage ou menace d’une arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner », le second pour « non assistance à personne en danger ».

« Pour Axelle, on reste debout »

« Pour Axelle, on reste debout », confie Sophie sa maman très émue. L’audience s’annonce difficile. « On va entendre des choses qu’on n’a pas envie d’entendre. Mais tout ce que l’on veut, c’est que la vérité soit dite ». Car jusque-là, la famille n’est guère convaincue par les explications des deux accusés. Ni par leurs excuses. Pris de panique, Youcef Tebbal soutient depuis le début qu’il n’a pas vu Axelle passer sous ses roues, ni avoir senti qu’il lui roulait dessus et encore moins qu’il l’avait traîné sur une telle distance.

« La vie d’Axelle n’avait aucune importance pour eux. Ils voulaient à tout prix quitter les lieux et ils l’ont fait », appuie Pierre Dorier. A ses côtés, Théo, l’un des jumeaux, peine à cacher son émotion. Mais tient à raconter en détail cette nuit de cauchemar. Une soirée qui s’annonçait pourtant sous les meilleurs auspices.

Posé sur les pelouses du parc de Fourvière, le petit groupe d’amis « s’amusait ». « On sortait du confinement, on avait apporté des boissons, on ne dérangeait personne. On avait même lancé dans le ciel des petites lanternes chinoises », précise-t-il. Mais peu avant 3h30, la soirée bascule. Une Twingo, à bord de laquelle se trouvaient quatre jeunes femmes, quitte le parc et écrase par mégarde le chien d’un ami de la famille Dorier. Furieux, ce dernier se précipite sur la voiture pour en découdre avec la conductrice. Il est suivi par une poignée de copains, tandis que d’autres tentent de calmer le jeu et de les faire revenir à la raison. Pendant ce temps, Axelle appelle la police.

Jetée dans le caniveau

C’est là que la Golf intervient. « Ils voulaient sortir du parc et disaient qu’ils s’en foutaient du chien. Ils ont baissé les vitres et se sont montrés menaçants, agressifs verbalement. L’un voulait partir car il était "chargé", il n’avait pas envie de tomber sur la police », raconte Théo. Les esprits s’échauffent. « Ils nous ont dit : "Si vous ne nous laissez pas partir, on va vous écraser" », poursuit le jeune homme. Le conducteur fait vrombir le moteur de sa voiture, les pneus crissent sur le bitume. Tout le monde s’écarte. La voiture file vers une impasse, roule sur le pied d’un ami, fait demi-tour, monte sur le trottoir et percute au retour le même jeune homme, qui tombe inconscient contre le mur. Quelques mètres plus loin, Axelle se dresse sur leur chemin pour leur intimer de s’arrêter. Elle est renversée une première fois, se relève péniblement avant d’être percutée.

Un peu plus loin, Théo assiste à la scène, impuissant. « J’ai entrevu pour la dernière fois la robe rouge de ma sœur », confie-t-il alors que ses yeux se remplissent pudiquement de larmes. « Ils sont repartis à fond. J’ai vu de la fumée, je n’ai pas compris sur le moment que c’était les pneus qui chauffaient. J’ai vu aussi une immense traînée sur le sol… » Le sang d’Axelle. « J’entends les filles de la Twingo qui hurlent "Ils l’ont écrasée, ils sont partis avec". A ce moment-là, il n’y a que ça qui résonne dans ma tête, je ne veux pas y croire ». Pétrifié dans un premier temps, le garçon se met ensuite désespérément à la poursuite de la voiture qu’il ne parviendra jamais à rattraper.

Sophie, elle, est réveillée en pleine nuit par Théo. « Il me disait "Maman, Axelle a disparu, elle s’est fait enlever". Je m’habille, je ne comprends pas ». Sur place, elle retrouve Evan, son autre fils, prostré : « Axelle est morte ». Lui a tout vu. « Pour moi, ce n’était pas possible. J’espérais qu’on me dise qu’elle avait été emmenée à l’hôpital ». Le corps de la jeune femme est pourtant à quelques mètres, mais sa mère, bloquée par le dispositif mis en place par la police, ne peut la voir. « Je suis restée sur place jusqu’à 7h30, j’avais froid. Je voyais cette traînée par terre, je savais que c’était du sang. Je savais que c’était celui d’Axelle. Elle était dans le caniveau, ils n’ont pas eu le moindre respect pour elle », poursuit-elle en ravalant difficilement ses larmes.

Une jeune femme « pétillante » et « remplie de gentillesse »

Soudée, la famille Dorier entend raconter à la barre qui était vraiment la jeune femme. Une personne « joyeuse », « pétillante », « remplie de gentillesse » qui « prenait soin » des autres. Si elle avait choisi le métier d’esthéticienne, c’était avant tout pour aider les gens en difficulté. « Elle voulait se spécialiser dans la socio-esthétique pour apaiser les malades, soulager ceux qui ont des traitements lourds », confie sa maman, le regard embué. « Elle adorait la nature et les animaux, poursuit son père Pierre. Elle recueillait souvent des chats pour les donner ensuite à ses grands-parents, aux voisins, à sa marraine ou à ses amis. » Et de raconter une anecdote touchante. « Une fois, je l’attendais pour manger mais elle tardait à venir. Je l’ai appelée pour savoir où elle était. Elle m’a répondu qu’elle avait rencontré des SDF et qu’elle leur avait proposé de garder leur chien, le temps qu’ils aillent acheter à manger. Elle était comme ça Axelle, elle avait un immense cœur ».