PROCESLa fille de Didier Raoult raconte la « haine gratuite » du « shérif de l’IHU »

Marseille : A la barre, la fille de Didier Raoult raconte la « haine gratuite » du « shérif de l’IHU » sur Twitter

PROCESLa fille et le gendre de Didier Raoult accusent un proche collaborateur de l’ancien directeur de l’IHU, Eric Chabrière, d’avoir proféré des tweets diffamants et injurieux à leur encontre
Mathilde Ceilles

Mathilde Ceilles

L'essentiel

  • La fille et le gendre de Didier Raoult poursuivaient ce vendredi en justice Eric Chabrière, proche collaborateur de l’ancien directeur de l’IHU.
  • Tous deux l’accusent de diffamation et d’injures sur Twitter, après notamment des prises de position de la fille de Didier Raoult contre l’hydroxychloroquine et pour la vaccination contre le Covid-19.

«C’est une souffrance de vivre ça, cette espèce de haine gratuite qui n’a plus aucun fondement. C’est de l’acharnement pour l’acharnement. On est parti dans un délire, une sorte de shérif de l’IHU. Non, ce n’est pas drôle. Non, ça ne me fait pas rire. » A la barre du tribunal correctionnel de Marseille, Magali Carcopino-Tusoli contient sa colère, aux côtés de son mari. Tous deux sont médecins au sein de l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM). Dans leur dos, Eric Chabrière les regarde fixement. Le biochimiste est connu pour être un proche collaborateur de son père, Didier Raoult, du temps où celui-ci dirigeait l’IHU. Ce vendredi matin, le professeur comparaissait devant la justice, accusé par les époux Carcopino-Tusoli d’être l’auteur de tweets diffamants et injurieux, via un compte anonyme baptisé le Professionnel.


« Magali, le vilain petit canard de la famille démasqué, peut-on lire ainsi dans un de ses messages. Dans une famille de chênes brillants, il y a forcément des glands. » Une vague de tweets de ce même compte se revendiquant être Eric Chabrière, intervenus après les prises de position de Magali Carcopino-Tusoli contre l’hydroxychloroquine et pour la vaccination contre le coronavirus, à l’encontre des opinions de son père avec lequel elle est en froid.

« Est-ce que mes pneus vont être crevés ? »

« La période a été très difficile, reprend Magali Carcopino-Tusoli. On se fait insulter depuis plusieurs années par Monsieur Chabrière directement, et par ce compte Twitter. » Et d’affirmer : « On a essayé de diffuser mon adresse personnelle. Je vis avec un pincement au cœur tous les matins. Est-ce que mes pneus vont être crevés ? Est-ce qu’on va arracher la plaque de mon cabinet ? On vit comme ça, dans cette ambiance, et monsieur Chabrière attise ça. Moi ce que je veux, c’est qu’on arrête cette ambiance-là. »

« Ces tweets sont extrêmement difficiles pour mon épouse, pour mes enfants et moi-même, abonde Xavier Carcopino-Tusoli. Dans le milieu médical, j’ai des dizaines de collègues qui ont été harcelés de la même manière par le même compte. Je ne veux pas que la politique de la peur prime. Moi, je n’ai pas peur. C’est ma responsabilité de ne pas laisser passer des choses comme ça, trop graves. C’est de ma responsabilité que les gens puissent arrêter de se cacher derrière des faux comptes. »

« J’y vais pour donner la lumière de l’IHU »

Des tweets dont Eric Chabrière nie être l’auteur, victime selon lui d’un usurpateur d’identité qui l’aurait piégé. « C’est malheureusement le sort de beaucoup de personnes, lance le biochimiste, agrippé à la barre, les bras tendus. Je vois beaucoup d’hommes politiques qui sont parodiés. Oui, je suis actif sur Twitter. L’IHU était attaqué, harcelé, diffamé. J’ai bien compris que ce n’était pas sur le niveau scientifique qu’on pouvait répondre. C’est pour ça que je suis allé sur Twitter. Pour corriger les affirmations, les dénigrements qu’on avait. J’y vais pour donner la lumière de l’IHU. C’est un média qui a de l’audience, qui est écouté par les politiques. »

Une information difficile à vérifier dans le cadre d’une citation directe, d’autant plus que Twitter refuse de communiquer les identités réelles de ses utilisateurs. « Indice troublant : à chaque fois qu’il y a un tweet de Chabrière, il y a un tweet au même moment du Professionnel ! », relève l’avocat des époux Carcopino-Tusoli, Me Philippe Carlini. Des faits qui ne constituent en aucun cas une preuve, selon l’avocat d’Eric Chabrière. Pour Me Ludovic Heringuez, le fondement de cette plainte est celui d’une machination orchestrée à l’encontre de son client. « Mon client s’est dit que madame Carcopino était manifestement instrumentalisée, affirme-t-il. On connaît l’aversion de monsieur Crémieux [le directeur de l’AP-HM] pour monsieur Raoult. »

Règlement de compte familial

« Je me retrouve dans une situation inconfortable parce que, derrière, qu’on le veuille ou non, il y a une histoire de famille, abonde Eric Chabrière. J’aurais préféré ne pas me retrouver dans des histoires de familles qui ne me concernent pas. Ça me fait de la peine pour mon ancien chef qui est quelqu’un que j’estime. »

« Ma cliente a été harcelée dans le cadre de ses fonctions, rétorque Me Philippe Carlini. Elle ne s’est jamais présentée comme la fille du professeur Raoult, et ce n’est certainement pas un règlement de comptes familial. Elle a juste exprimé son avis en tant que médecin, comme tant d’autres l’ont fait. Elle l’a fait de manière ouverte et non anonyme. Elle a simplement dit ce qu’elle pensait. »

Délibéré le 10 mars

Et de regretter : « Mais elle, elle a eu droit à un traitement spécial. Elle a été attaquée dans son intégrité de femme, d’épouse, de mère, de la manière la plus abjecte qui soit. Son époux a été traîné dans la boue avec la volonté affirmée de les faire divorcer. Tout cela n’est pas sans répercussions pour les enfants. Mais le couple a tenu, malgré ce battage médiatique entretenu par les défenseurs de l’IHU. »

Devant lui, les yeux de Magali Carcopino-Tusoli s’embuent. Sa main enserre celle de son mari. « Monsieur Chabrière prétend défendre une cause juste, accuse Me Carlini. Mais en fait, il défend son ego, surtout. Il prétend être le défenseur de l’IHU, alors qu’il lui a fait tant de mal. Avec quelques autres, ils ont réussi la prouesse de ridiculiser une des plus belles fiertés françaises, au point de justifier des plaintes pénales sur des sujets aussi graves que la fraude dans les expérimentations, le harcèlement et les pratiques médicales déviantes. La communication a été déplorable et les violences verbales et écrites des courageux anonymes prétendument défenseurs de l’institution ont ruiné le poids de la parole scientifique. C’est peut-être plus grave que cette histoire. » Me Carlini réclame pour chacun 10.000 euros de dommages et intérêts, tandis que la défense plaide la relaxe. Le jugement sera rendu le 10 mars.