JUSTICE DU FUTURComment Eric Dupond-Moretti compte remettre la « justice à flot »

Comment Eric Dupond-Moretti compte remettre la « justice à flot »

JUSTICE DU FUTURLe ministre de la Justice a présenté ce jeudi ses 60 mesures pour remédier à la « lenteur » et la « complexité » du système
Caroline Politi

Caroline Politi

L'essentiel

  • Eric Dupond-Moretti a annoncé ce jeudi une soixantaine de mesures issues des travaux des Etats généraux de la justice.
  • Outre une forte augmentation budgétaire, le garde des Sceaux promet une augmentation des embauches, la mise en place de procédure « participative » au civil et une refonte du code de procédure pénal.
  • L’Union syndicale des magistrats estime que les mesures annoncées vont « dans le bon sens ».

Comment réformer une justice considérée comme « trop lente et trop complexe » par les citoyens et à bout de souffle par ceux qui la rendent ? Telle est la délicate équation à laquelle s’est livré le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti. L’ancien avocat-star a dévoilé ce jeudi une soixantaine de mesures pour « remettre à flot » une institution au bord de la crise. Objectif principal : « simplifier et moderniser » la procédure afin, notamment, de réduire drastiquement les délais de justice tout en allégeant la charge de travail des magistrats. « La justice a fait l’objet depuis trente ans d’un abandon politique, budgétaire et humain », a-t-il insisté.

Il a d’emblée annoncé une hausse budgétaire sans précédent. Depuis son arrivée place Vendôme, en 2020, le budget de la justice a augmenté de 8 % par an, passant de 7,6 milliards en 2020 à 9,6 milliards actuellement. Ce vendredi, il a promis de porter l’enveloppe allouée à la justice à près de 11 milliards d’euros en 2027. Une hausse qui permettra de revaloriser les salaires, de finaliser le plan de création de 150.000 places de prison d’ici à 2027, de moderniser les palais de justice et de recruter massivement pour renforcer les effectifs. « Les annonces vont plutôt dans le bon sens, estime Ludovic Friat, président de l’Union syndicale des magistrats. Le délabrement de notre institution est acté et des moyens sont donnés pour tenter d’améliorer la situation. » Et le magistrat d’ajouter : « Nous ne sommes pas naïfs, nous attendons maintenant de voir comment ces annonces seront mises en œuvre. »

« Sanctuariser » les créations de poste

Eric Dupond-Moretti a promis de déposer au printemps un projet de loi de programmation et d’orientation pour « sanctuariser » la promesse d’embaucher quelque 10.000 fonctionnaires de justice – dont 1.500 magistrats – d’ici à la fin du quinquennat. « En cinq ans, nous aurons recruté autant de magistrats qu’au cours des vingt dernières années », s’est félicité le garde des Sceaux. Parmi les chantiers prioritaires, la mise en place de renforts rapidement mobilisables dans les juridictions les plus en souffrance et la mise en place d’une « véritable équipe » autour des juges afin de laisser la possibilité à ces derniers de se recentrer sur leur cœur de métier : « écouter et décider ». « Mille cinq cent magistrats, c’est bien et, en cinq ans, on ne peut pas imaginer en former beaucoup plus, note le président de l’Union syndicale des magistrats. Mais ce n’est qu’une étape, il faut poursuivre l’effort. On sait aujourd’hui qu’à l’instruction, il faudrait trois fois plus de magistrats et au moins 1,5 fois plus de juges des enfants. »



Concrètement, le garde des Sceaux entend diviser par deux, d’ici à 2027, les délais dans les procédures civiles – à l’instar des divorces ou des litiges en tout genre – qui représentent 60 % des décisions rendues par les tribunaux (il faut aujourd’hui compter en moyenne deux ans). Pour ce faire, Eric Dupond-Moretti compte favoriser la mise en place d’une justice « participative » en expérimentant, comme au Québec, des procédures à l’amiable qui donneraient au juge un rôle de conciliateur dès le début de la procédure avant de laisser la main aux avocats. « Nous ne sommes pas contre des expérimentations, à condition qu’il y ait un véritable retour d’expérience, pas comme pour la généralisation des cours criminelles », insiste Ludovic Friat. Autre piste : la mise en place d’une « césure » qui permettrait au magistrat de ne trancher que sur la question de la responsabilité, laissant ensuite les parties s’entendre sur le montant du préjudice. Au Pays-Bas, cette mesure permettrait, selon Eric Dupond-Moretti, de régler deux fois plus de contentieux en deux fois moins de temps.

Refonte du code de procédure pénale

Un chantier d’envergure attend également le champ pénal : Eric Dupond-Moretti a annoncé la refonte du code de procédure pénale devenu, selon le rapport des Etats généraux, « excessivement complexe et illisible, même pour les plus expérimentés ». Le garde des Sceaux s’est fixé pour objectif que d’ici à la fin du quinquennat, les affaires pénales les plus lourdes soient jugées dans un délai d’un an, les autres dans les six mois. « Nous avons fait beaucoup, mais il reste beaucoup à faire », a reconnu le ministre.