PENITENTIAIRELa patronne des avocats rennais en prison pour dénoncer la surpopulation

Rennes : La patronne des avocats en prison pour dénoncer la surpopulation

PENITENTIAIRENouvelle bâtonnière du barreau de Rennes, l’avocate Catherine Glon a invité deux parlementaires à visiter la prison de Vezin où les détenus s’entassent
Camille Allain

Camille Allain

L'essentiel

  • La nouvelle bâtonnière et deux parlementaires ont mené une visite inopinée dans les murs de la prison de Rennes-Vezin où ils ont constaté la surpopulation carcérale.
  • Un homme de 25 ans est mort dans sa cellule ici en septembre, malgré les appels à l’aide de son codétenu.
  • La surpopulation contraint l’administration pénitentiaire à entasser les détenus à deux ou trois et à avoir recours à des matelas posés au sol.

Elle n’avait pris ses fonctions que depuis quelques heures lorsqu’elle a poussé la lourde porte en métal de la prison de Rennes-Vezin le 2 janvier. Nommée bâtonnière la veille, l’avocate Catherine Glon avait fait de cette visite carcérale une priorité. Engagée, la pénaliste s’est déjà rendue à plusieurs reprises dans les murs de la maison d’arrêt pour s’entretenir avec des clients. Mais jamais elle n’avait été plus loin que les parloirs réservés aux avocats. Ce lundi, celle qui chapeaute le millier d’avocats du barreau de Rennes était accompagnée de la sénatrice socialiste Sylvie Robert et du député Nupes Mickaël Bouloux pour constater visuellement ce que tout le monde sait déjà : les prisons sont surchargées. « Il faut le voir pour comprendre », assure l’avocate, choquée de voir autant de matelas posés à terre.

Prévue pour accueillir 650 détenus lors de son inauguration en 2010, la prison de Rennes-Vezin en héberge environ 840 en ce moment. C’est dans le quartier de maison d’arrêt que le problème se pose avec 519 détenus pour 390 places, soit un taux de 133 % de surpopulation. Conséquence : les cellules prévues pour un seul homme sont habitées par deux à trois détenus. Le dernier arrivé doit bien souvent se contenter d’un matelas en mousse posé au sol, sans oreiller. D’après l’administration pénitentiaire, 57 matelas au sol sont sortis chaque soir à Vezin. « Nous avons pu discuter avec le service médical, qui en constate déjà les effets sur la santé avec de nombreuses lombalgies et des tensions entre détenus », déplore Catherine Glon.

« Il a passé plusieurs heures avec un cadavre »

La bâtonnière tenait aussi à échanger avec le codétenu de Maxime Rekik. Dans la nuit du 9 au 10 septembre 2022, ce jeune homme de 25 ans était mort, agonisant, malgré les appels au secours répétés de son partenaire de cellule. « Il a passé plusieurs heures avec un cadavre. C’est effrayant », s’agace Me Glon. Une enquête a été ouverte à la demande du ministre de la Justice pour faire la lumière sur cette mort. « Je ne juge pas ce qu’il s’est passé. Et les agents pénitentiaires font ce qu’ils peuvent. Mais comment expliquer qu’ils ne soient que douze la nuit pour surveiller les trois établissements ? ».

Le quartier des nouveaux arrivants de la prison de Rennes-Vezin, où la surpopulation carcérale pose problème.
Le quartier des nouveaux arrivants de la prison de Rennes-Vezin, où la surpopulation carcérale pose problème.  - C.Allain/20 Minutes

Présent aux côtés de Catherine Glon, le député Mickaël Bouloux, ancien maire du Rheu découvrait la prison pour la première fois. « On ne peut qu’être touché et ému par une telle visite. La surpopulation rend difficile les conditions de cohabitation. On ne parle pas d’une simple statistique, on voit des humains qui la subissent. » Le député a notamment été marqué par la discussion avec un détenu multipliant les outrages pour être placé à l’isolement. « L’isolement devrait être une punition. Mais pour lui, c’était comme un répit. »

Des conditions contraires à la réinsertion

La sénatrice Sylvie Robert, qui n’en était pas à sa première visite, dresse le même constat effarant. « On mesure la réalité de la surpopulation quand on la voit. Dans l’unité médicale, le personnel est dévoué mais débordé. Il y a des détenus qui devraient être en psychiatrie mais qui sont enfermés ici par manque de place », déplore la socialiste. Ici, il faut plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous dentaire.

A Vezin comme partout dans le pays, les détenus s’entassent et sont de plus en plus nombreux. « La prison a l’obligation d’assurer une mission de réinsertion. Mais la souffrance du corps et de l’esprit s’ajoute comme une peine complémentaire à l’enfermement. Ici, certaines conditions de réinsertion sont clairement contre-productives sur le processus de réinsertion », regrette Catherine Glon. L’avocate, comme l’ensemble de la profession, attend avec impatience de connaître le plan d’actions du ministre Eric Dupond-Moretti. Issu des États généraux de la justice, il doit être présenté ce jeudi par le garde des Sceaux.