ENQUETELe non-lieu de Gérald Darmanin, accusé de viol, contesté en appel ce mardi

Darmanin accusé de viol : Le non-lieu du ministre de l’Intérieur contesté en appel

ENQUETELa cour d’appel de Paris examine ce mardi l’appel de Sophie Patterson-Spatz contre le non-lieu prononcé cet été en faveur de Gérald Darmanin, qu’elle accuse publiquement, depuis 2017, de viol pour des faits remontant à mars 2009
Thibaut Chevillard

T.C. avec AFP

L'essentiel

  • La cour d’appel de Paris examine ce mardi l’appel de Sophie Patterson-Spatz contre le non-lieu prononcé cet été en faveur de Gérald Darmanin, qu’elle accuse publiquement, depuis 2017, de viol. Des faits remontant à mars 2009.
  • Pour faire réviser une condamnation datant de 2005, Sophie Patterson-Spatz avait contacté de nombreuses personnes, dont Gérald Darmanin. Selon elle, il lui aurait alors promis son aide, puis lui aurait « pris la main », ajoutant : « Moi aussi, il va falloir m’aider ». Elle dit s’être alors sentie « prise en otage » et « contrainte » de le suivre dans un club libertin, puis dans un hôtel où ils ont eu un rapport sexuel.
  • Dans son ordonnance de non-lieu de juillet, la magistrate relève que « la sincérité des déclarations » de Sophie Patterson-Spatz quant à un viol « ne peut être remise en cause », mais « elle a délibérément choisi d’avoir une relation sexuelle avec lui dans le but de voir son affaire pénale rejugée ». Gérald Darmanin a « pu légitimement se méprendre sur les intentions » de la plaignante même si, dans un SMS, « il admet implicitement qu’il a pu profiter de la situation ».

C’est un dossier particulièrement sensible sur lequel se penchera, ce mardi matin, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris. Les trois magistrats qui la composent - un président de chambre et deux conseillers - examineront, à 10h30, l’appel de Sophie Patterson-Spatz contre le non-lieu prononcé cet été en faveur de Gérald Darmanin, qu’elle accuse publiquement, depuis 2017, de viol. L’affaire vaut au ministre de l’Intérieur d’être honni par de nombreuses voix féministes, qui considèrent anormale sa présence place Beauvau. Pas plus tard que vendredi, à Nice, des messages de soutien à la plaignante ont été collés sur les vitrines d’une librairie située en face d’un commissariat que Gérald Darmanin était venu présenter.

L’affaire remonte à mars 2009. A l’époque, Sophie Patterson-Spatz, aujourd’hui âgée de 50 ans, avait contacté celui qui était alors chargé de mission au service des affaires juridiques de l’UMP, l’ancêtre de LR. Elle lui a demandé un soutien pour la révision d’une condamnation de 2005 pour chantage et appels malveillants à l’égard d’un ex-compagnon. Selon les éléments de l’enquête recueillis par l’AFP, Gérald Darmanin l’aurait invitée quelques jours plus tard à dîner. Il aurait ensuite insisté pour qu’elle l’accompagne dans un club échangiste et enfin dans un hôtel, lui faisant miroiter son possible appui, via une lettre qu’il s’engageait à rédiger auprès de la Chancellerie.

« Tu as raison, je suis sans doute un sale con »

La plaignante et le ministre reconnaissent tous les deux un rapport sexuel. Mais Sophie Patterson-Spatz estime avoir été contrainte de « passer à la casserole » avec l’ancien maire de Tourcoing, se sentant « prise en otage » quand celui-ci, alors âgé de 26 ans, lui aurait dit : « Vous aussi, il va falloir m’aider ». De son côté, le ministre de l’Intérieur affirme avoir « cédé aux charmes » d’une plaignante « entreprenante ». Après avoir « occulté les faits » pendant plusieurs années, Sophie Patterson-Spatz aurait « suffoqué » en mai 2017, à l’annonce de l’arrivée de Gérald Darmanin au gouvernement d’Edouard Philippe. Elle dépose alors une plainte pour viol.

L’enquête est close à trois reprises par le parquet, puis par une magistrate instructrice. Après de longs démêlés procéduraux, une nouvelle juge d’instruction place Gérald Darmanin sous le statut intermédiaire de témoin assisté fin 2020 et le confronte pendant neuf heures avec la plaignante début 2021. Élément-clé du dossier : un SMS nocturne de Sophie Patterson-Spatz neuf mois après la soirée litigieuse : « Abuser de sa position. Pour ma part, c’est être un sale con (…) Quand on sait l’effort qu’il m’a fallu pour baiser avec toi. Pour t’occuper de mon dossier ». Ce à quoi Gérald Darmanin a répondu : « Tu as raison, je suis sans doute un sale con. Comment me faire pardonner ? »



Un rapport sexuel « ni libre, ni consenti »

Dans son ordonnance de non-lieu de juillet dernier, la magistrate relève que « la sincérité des déclarations » de Sophie Patterson-Spatz quant à un viol « ne peut être remise en cause », mais « elle a délibérément choisi d’avoir une relation sexuelle avec lui dans le but de voir son affaire pénale rejugée ». Selon la décision, Gérald Darmanin a « pu légitimement se méprendre sur les intentions » de la plaignante, même si dans le fameux SMS, « il admet implicitement qu’il a pu profiter de la situation ». Reste que « le droit ne se confond pas avec la morale », tranche encore la juge : Sophie Patterson-Spatz était selon elle « consentante au regard de la loi ».

Le parquet général a requis la confirmation du non-lieu, écartant « l’hypothèse d’accusations mensongères ou malveillantes » de Sophie Patterson-Spatz, mais estimant qu' « il ne peut être considéré qu'(elle) n’a pas consenti à l’acte sexuel du seul fait de la motivation de celui-ci ».

Pour Me Elodie Tuaillon-Hibon, le consentement de sa cliente « n’est pas établi et sa validité encore moins ». Elle évoque un « viol par surprise » et un rapport sexuel « extorqué », « ni libre, ni consenti ». Gérald Darmanin doit selon elle « être mis en examen et renvoyé devant une juridiction de jugement » et « traité enfin comme n’importe quel mis en cause lambda ».

Plainte pour dénonciation calomnieuse

Le ministre de l’Intérieur a déposé une plainte pour dénonciation calomnieuse. Contactés par l’AFP, ses avocats n’ont pas souhaité commenter. « Il faut quand même mesurer ce que c’est que d’être accusé à tort, de devoir expliquer à ses parents ce qu’il s’est passé parce que, c’est vrai, j’ai eu une vie de jeune homme », avait-il justifié en juillet 2020 au journal La Voix du Nord. Une habitante de Tourcoing (Nord) avait aussi accusé Gérald Darmanin de l’avoir contrainte à des relations sexuelles en échange d’un logement et d’un emploi. L’enquête a été classée en 2018.