Procès de l’attentat de Nice : Les avocats des parties civiles appellent à ne pas se « laisser berner » par les accusés
AUDIENCE•Alors que leurs plaidoiries ont commencé mercredi, les avocats des parties civiles ont enjoint la cour à ne pas se « laisser abuser par le chant des sirènes » des huit accusés, jugés depuis le 5 septembre à Paris20 Minutes avec AFP
L'essentiel
- Mercredi, au procès de l’attentat de Nice, les avocats des parties civiles ont tenté de convaincre de l’implication des principaux accusés dans l’attaque du 14 juillet 2016, qui n’était « pas le fruit du hasard » et « encore moins l’œuvre d’un fou ».
- « Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un hasard, je ne crois pas à la théorie du complot », a notamment asséné Me Yves Hartemann, avant de s’adresser aux accusés : « Vous avez participé par ces actes préparatoires de près, de très près, à l’infraction terroriste commise par Mohamed Lahouaiej-Bouhlel. »
Au premier jour de leurs plaidoiries, les avocats des parties civiles ont tenté de convaincre de l’implication des principaux accusés dans l’attentat de Nice du 14 juillet 2016, qui n’était « pas le fruit du hasard » et « encore moins l’œuvre d’un fou ». « Je vous remercie de ne pas vous laisser berner, de ne pas vous laisser abuser par [leur] chant des sirènes », a enjoint Me Cathy Guittard à la cour d’assises spéciale de Paris.
En l’absence de l’auteur, tué lors de l’attentat qui avait fait 86 morts sur la promenade des Anglais au volant d’un camion-bélier, huit accusés sont jugés depuis le 5 septembre.
A l’instar du procès des attentats du 13 novembre 2015, qui s’était tenu dans la même salle réservée aux grandes audiences, au palais de justice de Paris, une cinquantaine d’avocats ont prévu une « plaidoirie coordonnée », abordant d’abord l’aspect pénal du dossier, avant l’évocation des « blessures des victimes » à partir de jeudi après-midi.
« Je ne crois pas à la théorie du complot »
Même si aucun des accusés n’est poursuivi pour complicité avec le tueur, les premiers avocats à plaider ont insisté pour justifier la qualification d’association de malfaiteurs terroriste (AMT) qui pèse sur trois d’entre eux. Ils encourent vingt ans de réclusion pour deux d’entre eux et la perpétuité pour le troisième, en récidive légale en raison d’une condamnation pour vol en 2014. L'« entente » et les « actes préparatoires » à l’attentat, éléments nécessaires pour caractériser l’AMT, existaient entre les accusés et Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, l’auteur de l’attentat et entre eux, a plaidé Me Yves Hartemann.
Il a notamment évoqué les brefs SMS, presque identiques, évoquant l’agence de location Ada, envoyés le 5 juillet à une minute d’intervalle par l’auteur de l’attentat aux trois mis en cause. On sait par ailleurs qu’il effectuait à cette époque des démarches qui mèneront le 11 juillet à la location d’un 19-t à Saint-Laurent-du-Var.
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« Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un hasard, je ne crois pas à la théorie du complot, a asséné Me Yves Hartemann. Vous avez participé par ces actes préparatoires de près, de très près, à l’infraction terroriste commise par Mohamed Lahouaiej-Bouhlel. » Me Benjamin Ollié a souligné les contours de la jurisprudence concernant l’AMT, rappelant qu’il n’était pas nécessaire que les accusés aient une connaissance précise « des intentions terroristes de l’individu », mais tout au plus « de sa possible dangerosité ». Or, « sans chaque petit acte qui a été une aide précieuse à la commission de l’attentat, il n’y aurait peut-être pas eu » de passage à l’acte, a estimé Me Catherine Szwarc.
« Ni sincères, ni authentiques, ni francs, ni de bonne foi »
Me Tina Colombani a dit sa « colère » face aux « contradictions » des accusés. Selon elle, « ils n’ont été ni sincères, ni authentiques, ni francs, ni de bonne foi ». Alors que les trois principaux accusés ont cherché à minimiser leurs liens avec l’auteur de l’attentat, « si Mohamed Lahouaiej-Bouhlel est ce fou qu’ils décrivent, comment peuvent-ils justifier cette frénésie de contacts ? », s’est interrogée Me Ariana Bobetic.
Me Cathy Guittard a mis en garde contre « la tendance à vouloir rechercher des explications biologiques » pour expliquer l’acte du conducteur. « Mohamed Lahouaiej-Bouhlel était calculateur et manipulateur, mais il n’était pas fou », a-t-elle affirmé avant de souligner que soutenir que l’auteur a agi seul « dédouane les accusés ». Or, a-t-elle estimé, ce « crime n’est pas le résultat d’une maladie mentale d’un homme seul ».
« L’intérêt pour la défense d’essayer de montrer à tout prix que Mohamed Lahouaiej-Bouhlel est fou » est de présenter son acte comme « suicidaire, sans aucun lien avec le terrorisme », a renchéri Me Catherine Szwarc. C’est bien, d’après elle, « un acte terroriste qu’il a commis, dans le cadre de la radicalisation et du djihadisme inspiré ». L’enquête n’a pas pu déceler un lien ou une trace d’allégeance entre l’organisation Etat islamique (EI) et le chauffeur-livreur tunisien de 31 ans. La revendication tardive de l’attentat, 36 heures après les faits, a été jugée « de pure opportunité » par les enquêteurs de la DGSI.
Les plaidoiries des avocats des 2.500 personnes constituées partie civile au procès doivent se poursuivre jusqu’au 1er décembre.