Toulon : Une mère jugée en appel pour non-présentation d’enfant après onze ans de cavale avec sa fille
PROCES•Condamnée en première instance à cinq ans de prison, la mère d’une adolescente, retrouvée par hasard en Suisse après onze ans de cavale, comparaît de nouveau pour soustraction et non-présentation d’enfant
Mathilde Ceilles
L'essentiel
- Ce mercredi, Priscilla Majani comparaît devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence pour non-représentation d’enfant et dénonciation calomnieuse envers son ancien mari.
- La quadragénaire est partie onze ans en cavale avec sa fille et a été retrouvée par hasard au cours d’un contrôle routier en Suisse.
- Elle accuse le père de sa fille de viol et d’agression sexuelle. Une plainte a été déposée et classée sans suite.
C’est l’histoire de deux parents qui se déchirent sur la garde de leur fille, sur fonds d’accusation de viol et de cavale rocambolesque, interrompue par un banal contrôle routier en mars dernier. Ce mercredi, la cour d’appel d’Aix-en-Provence se penche sur le dossier très sensible de la disparition pendant onze ans de la petite Camille, enlevée par sa mère après une séparation houleuse, et retrouvée par hasard. 20 Minutes revient sur cette affaire.
Quels sont les faits ?
Habitante jusqu’ici dans le Var, Priscilla Majani s’est séparée en 2008 du père de sa fille Camille, avant d’entamer une procédure de divorce. Les deux ex-époux se sont livrés ensuite une bataille judiciaire houleuse pour la garde de l’enfant. « Dès 2008-2009, de multiples mains courantes illustrent la situation de séparation conflictuelle du couple dans l’instance de divorce en cours », peut-on lire dans l’ordonnance de renvoi.
En janvier 2011, Prisicilla Majani porte plainte contre son ancien mari pour agression sexuelle et viol sur la petite Camille. Le 21 février 2011, la procédure est classée sans suite sur la base de plusieurs expertises. Peu après, Priscilla Majani disparaît avec sa fille. Elle faisait depuis l’objet de deux mandats d’arrêts. La mère avait été condamnée à deux reprises à Toulon, en 2011 et 2016, pour non-représentation d’enfant, d’abord à un an d’emprisonnement (peine aujourd’hui prescrite) puis à trois ans d’emprisonnement.
Elle a aussi été condamnée en 2015 à deux ans de prison pour dénonciations calomnieuses et mensongères portées contre son ex-époux, suite aux accusations de viol. De son côté, ce dernier reproche à son ancienne épouse de manipuler leur fille, qui refuse encore aujourd’hui de le voir.
En mars dernier, un contrôle de police dans le canton de Vaud en Suisse a permis d’identifier Priscilla Majani, qui s’était installée dans la région avec Camille, aujourd’hui âgée de 17 ans. Lors de son interpellation, la mère de famille avait expliqué s’être cachée en Suisse pendant six à sept ans, après avoir résidé dans « différents pays ». Elle a ensuite été extradée en août à la demande des autorités françaises. .
Que s’est-il dit en première instance ?
Le 16 septembre, à l’issue d’une audience tendue et longue de cinq heures, le tribunal correctionnel de Toulon a condamné Priscilla Majani, aujourd’hui âgée de 48 ans, à deux ans de prison pour dénonciation calomnieuse envers son ex-mari et trois ans de prison avec privation des droits civiques et parentaux pour non-présentation de son enfant. Dans son réquisitoire, le représentant du ministère public, Dominique Mirkovic, avait appelé à la condamnation d' « une mère manipulatrice, qui a ourdi un complot contre le père », écartant la thèse de la défense d'« une mère simplement inquiète, qui a tenté de protéger son enfant ». Le tribunal a accordé au père 25.000 euros de dédommagement au titre du préjudice subi et 1.500 euros en raison des frais engendrés.
Une décision dont a fait appel l’avocate de Priscillia Majani, Me Myriam Guedj-Benayoun, qui entend plaider la relaxe ce mercredi. « Ce que j’ai vécu sur ce procès, je ne l’ai jamais vécu ailleurs, s’étonne l’avocate. L’audience en première instance s’est extrêmement mal passée. J’ai porté plainte auprès du conseil supérieur de la magistrature et j’ai demandé la protection de mon bâtonnier car je subis des pressions et des menaces. »
Un comité de soutien à Priscilla Majani s’est monté. Présidée de la comédienne Eva Darlan, on y retrouve de nombreuses stars, comme Bruno Solo, Mimie Mathy, Audrey Pulvar, Lio ou encore la comédienne Andrea Bescond, connue pour son film autobiographique Les Chatouilles qui revient sur les violences sexuelles qu’elle a subies enfant. Dans un communiqué de presse, ces personnalités demandent « au nom de l’humanité, la relaxe de Priscilla qui n’a fait que protéger son enfant. »
« A Aix-en-Provence, le 23 novembre, va s’ouvrir le procès en appel d’une mère qui a choisi, contre son propre intérêt, de protéger son enfant, écrit le comité de soutien dans ce communiqué de presse. La justice n’a pas cru en la parole de Priscilla, pas plus qu’en celle de sa fille qui maintient ses déclarations. Si la présomption d’innocence a été appliquée concernant le père, le principe de précaution qui protège un enfant de son éventuel agresseur n’a pas, lui, été appliqué. » Le 18 novembre dernier, dans un document que 20 Minutes a pu consulter, Camille a porté plainte contre son père auprès de la justice helvète pour violences psychologiques, physiques et sexuelles. Elle affirme notamment dans cette plainte avoir été victime d’attouchements et de pénétrations de la part de ce dernier.
« Mon client n’attend plus grand-chose de cette audience, si ce n’est la confirmation de la peine et les dommages et intérêts qui lui paiera du réconfort pour compenser ce qui s’est passé, affirme Me Olivier Ferri, l’avocat du père de Camille, aujourd’hui âgé de 74 ans. Lors de la précédente audience, il a dû partir escorté par la police. On sait qu’il ne reverra plus jamais cette enfant qui est complètement aliénée par sa mère. Il ne se fait plus aucune illusion. Camille aujourd’hui à 17 ans. Elle ne veut plus voir son père. »
Où est Camille ?
Depuis l’arrestation de sa mère, Camille a été placée sous curatelle en Suisse. « Les autorités cachent son identité et son établissement, précise Me Guedj-Benayoun. Elle n’a pas vu sa mère, qui est en prison depuis février 2022, mais elles ont l’autorisation de se téléphoner. » L’adolescente sera, de nouveau, la grande absente de ce procès.