Affaire Orpea : Pourquoi plusieurs établissements du groupe ont-ils été perquisitionnés ?
ENQUETE•Les gendarmes ont perquisitionné mardi plusieurs établissements du groupe de maisons de retraite privé Orpea, dans le cadre d’une enquête préliminaire pour « maltraitance institutionnelle » menée à NanterreThibaut Chevillard
L'essentiel
- Plusieurs perquisitions ont été lancées mardi dans des établissements du groupe de maisons de retraite privé Orpea, dans le cadre d’une enquête préliminaire pour « maltraitance institutionnelle » menée à Nanterre (Hauts-de-Seine).
- Orpea est dans la tourmente depuis la parution en janvier dernier du livre-enquête Les Fossoyeurs, écrit par le journaliste Victor Castanet. Il y dénonce une maltraitance des résidents, un usage abusif des fonds publics et des manquements dans la gestion du personnel.
- Fin avril, une enquête à deux volets, l’un pour maltraitance institutionnelle et l’autre pour infractions financières, avait été ouverte par le parquet de Nanterre. Le premier repose notamment sur une cinquantaine de plaintes de familles de résidents pour « mise en danger de la vie d’autrui », « non-assistance à personne en danger », « homicide involontaire » et « violence par négligences ».
C’est un malheureux hasard du calendrier. Ce mardi, la nouvelle direction d’Orpea a présenté son plan pour remettre sur les rails le groupe de maisons de retraite privé, en mauvaise posture financière. Le même jour, les gendarmes de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaesp), qui travaillent dans le cadre d’une enquête préliminaire pour « maltraitance institutionnelle » menée à Nanterre (Hauts-de-Seine), ont mené des perquisitions dans toute la France. Dans leur viseur : une dizaine d’établissements pour personnes âgées dépendantes gérée par le groupe, présent dans 23 pays. 20 Minutes fait le point sur l’affaire.
Qu’est-il reproché à Orpea ?
Leader mondial des maisons de retraite, le groupe Orpea, qui gère plus de 350 établissements en France, est dans la tourmente depuis la parution en janvier dernier du livre-enquête Les Fossoyeurs (ed. Fayard), écrit par Victor Castanet. Des personnes âgées « rationnées », abandonnées dans leurs excréments ou laissées sans soin pendant des jours… Témoignages à l’appui, le journaliste révèle de nombreux cas de maltraitance dans les Ehpad du groupe et dénonce un usage abusif des fonds publics et des manquements dans la gestion du personnel. Des accusations que le groupe rejette en grande partie, comme il l’explique sur son site.
Quelle a été la réaction du gouvernement ?
A l’issue de ces révélations, le gouvernement a lancé deux enquêtes administratives et financières, confiées à l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) et à l’IGF (Inspection générale des finances) et fait un signalement à la justice.
Dans leur rapport de 500 pages, présenté en avril dernier, les inspecteurs des deux services soulignaient que le « pilotage » des établissements du groupe Orpea, souvent suroccupés, « donne la priorité à la performance financière » plutôt qu’à des critères de qualité. En matière d’alimentation, les « grammages » des repas servis aux seniors sont « sensiblement et systématiquement insuffisants ».
Combien de plaintes ont été déposées ?
En parallèle, des dizaines de familles de résidents ont déposé plainte auprès du parquet de Nanterre pour « mise en danger d’autrui », « homicide involontaire », mais aussi « non-assistance à personne en danger » et « violence par négligences ». Une trentaine d’Ehpad sont visés, notamment les établissements « Le Corbusier », à Boulogne-Billancourt, et « Les Bords de Seine », à Neuilly-sur-Seine.
Ce dernier est particulièrement « symptomatique », explique à 20 Minutes l’avocat Fabien Arakelian, qui conseille et accompagne des proches de résidents hébergés en Ehpad. Trois de ces dossiers concernent des établissements Orpea. « Les familles payaient des prix exorbitants » alors que les « dysfonctionnements » constatés constituent, selon lui, le « summum de ce qui a été mal fait dans ces établissements ».
Où en sont les investigations ?
Fin avril, une enquête à deux volets, l’un pour maltraitance institutionnelle et l’autre pour infractions financières, a été ouverte par le parquet de Nanterre. Ces investigations avaient été jointes à une enquête déjà en cours pour des infractions à la législation du travail. En juin, une dizaine de gendarmes de la Section de recherche de Versailles et de l’Oclaesp ont perquisitionné le siège de l’entreprise, à Puteaux (Hauts-de-Seine), ainsi que des directions régionales. L’exploitation de cette perquisition est toujours en cours.
Cinq mois plus tard, la justice a donc décidé de lancer mardi une nouvelle vague de perquisitions. « Ces perquisitions sont une bonne chose, cela permettra peut-être de mettre en lumière certains agissements éventuels et non identifiés jusqu’ici », explique à l’AFP l’avocate Sarah Saldmann, qui représente des familles de résidents. « Mieux vaut tard que jamais. Je note que la justice commence enfin à ouvrir les yeux et passe la cinquième », commente pour sa part son confrère, Fabien Arakelian. L’avocat « espère que, par la suite, dans le cadre des informations judiciaires qui sont en cours, il y aura des mises en examen, puis des audiences au cours desquelles des responsabilités pénales seront établies ».