Agression de Yuriy : Pourquoi des avocats contestent-ils le renvoi de certains suspects devant le tribunal ?
VIOLENCE•Treize jeunes hommes, âgés de 14 à 18 ans au moment des faits, ont été renvoyés devant un tribunal, dont six pour « tentative de meurtre »Thibaut Chevillard
L'essentiel
- Né en Ukraine en 2006, Yuriy, un collégien qui s’apprêtait à fêter ses 15 ans, avait été conduit à l’hôpital dans un état grave après avoir été roué de coups dans la soirée du 15 janvier 2021, alors qu’il se trouvait avec des amis sur la dalle de Beaugrenelle.
- Les juges d’instructions ont suivi les réquisitions du parquet de Paris et prononcé, en octobre dernier, le renvoi en procès de 13 adolescents âgés de 14 à 18 ans au moment des faits, dont six pour « tentative de meurtre ».
- Plusieurs avocats de la défense ont fait appel de cette décision. Une audience doit se tenir prochainement devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris.
La vidéo de l’agression avait largement circulé sur les réseaux sociaux. Et les images, d’une violence inouïe, avaient choqué la France entière et suscité les réactions indignées d’Emmanuel Macron ou d’Antoine Griezmann. Des coups de poing, de pieds, de marteau. Dans la soirée du 15 janvier 2021, Yuriy S., un collégien qui s’apprêtait à fêter ses 15 ans, était passé à tabac durant plusieurs minutes alors qu’il se trouvait avec des amis sur la dalle de Beaugrenelle, dans le 15e arrondissement de Paris. Grièvement blessé, son pronostic vital avait ensuite été engagé pendant dix jours. Une dizaine d’adolescents avaient été interpellés et mis en examen, deux semaines après l’agression. Puis en octobre dernier, les deux juges d’instruction cosaisis ont renvoyé en procès 13 jeunes hommes, âgés de 14 à 18 ans au moment des faits, dont six pour tentative de meurtre.
Deux audiences devraient se tenir : une première devant la cour d’assises des mineurs, pour les neuf mis en cause les plus âgés, une autre devant le tribunal pour enfants, statuant en matière criminelle pour les quatre plus jeunes. Mais comme l’a révélé Le Parisien, plusieurs avocats de la défense ont interjeté appel de l’ordonnance de mise en accusation. Une audience devrait donc se tenir prochainement devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris. Selon nos informations, la date n’a pas encore été fixée.
« Cela nous paraît aberrant »
Le jeune que représentent Mes Caroline Girard et Marianne Abgrall a été renvoyé devant la cour d’assises pour « participation à une association de malfaiteurs en vue de commettre un délit puni de dix ans d’emprisonnement ». Un de ses amis lui avait effectivement donné rendez-vous ce soir-là, à Beaugrenelle. L’adolescent, alors âgé de 16 ans, avait fait le déplacement avec des béquilles pour se « défendre », avait-il expliqué durant l’instruction. Mais à son arrivée, les pompiers étaient déjà là. Il recevait alors un appel lui « disant que c’était fini » et qu’il devait partir. Mis hors de cause par les autres suspects, il avait été placé sous le statut de témoin assisté.
« Cela nous paraît aberrant de renvoyer un jeune, qui avait 16 ans au moment des faits, devant une cour d’assises alors qu’il n’était pas sur la dalle, qu’il ne s’était pas concerté avec les autres », explique à 20 Minutes Me Girard. L’avocate se questionne sur la légalité de cette décision, « car on ne peut pas être renvoyé devant une cour d’assises pour des faits qui ne sont pas criminels ».
« Il n’y a jamais eu d’intention homicide »
« Mon client nie complètement les faits qui ne sont, en ce qui le concerne, factuellement pas établis », indique pour sa part Me Frédéric Landon, dont le client, qui avait 15 ans au moment des faits, est renvoyé devant le tribunal pour enfant pour « complicité de tentative d’assassinat ». La justice lui reproche d’avoir averti ses copains de la présence, dans le quartier, d’autres jeunes d’une bande rivale. En revanche, l’exploitation des images des caméras de surveillance a confirmé qu’il n’a porté aucun coup à la victime.
« C’est une aberration », poursuit l’avocat versaillais. « Il faudrait qu’on puisse démontrer qu’il a porté une aide ou une assistance à des personnes qui avaient l’intention de porter atteinte à la vie de la victime, alors qu’il n’y a eu aucun dessein préalable. En réalité, c’est une rixe d’une gravité certaine, mais il n’y a jamais eu d’intention homicide de la part de quiconque dans ce dossier. En outre, mon client n’était pas sur place. Au pire, il a pu avertir certains des jeunes de ce qu’il connaissait de l’arrivée d’une autre bande, mais c’est tout. Je ne vois pas comment on peut le renvoyer devant une juridiction de jugement. »
« Un contexte de rivalité entre jeunes individus »
Dans leur ordonnance de mise en accusation, consultée par 20 Minutes, les juges d’instruction estiment que « les faits s’inscrivent dans un contexte de rivalité entre jeunes individus, résidents du 15e arrondissement de Paris, formant la bande RD4 d’une part, et celle du plateau de Vanves d’autre part ».
« Il est établi que l’agression de Yuriy (…) était un acte de vengeance en réponse à l’agression subie » cinq jours plus tôt par le demi-frère et cousin de deux des mis en cause, d’après les magistrats, qui rappellent que la victime était munie d’un tournevis dans sa poche. Yuriy avait demandé à des témoins venus le secourir de l’ôter et de la cacher dans un bac à fleurs.