A Nantes, la justice offre des pièces à conviction aux démunis
SOLIDARITE•Le tribunal judiciaire de Nantes s’engage à remettre des vêtements placés sous scellé à des associations caritatives. Ces habits étaient voués à la destructionFrédéric Brenon
L'essentiel
- Le tribunal judiciaire de Nantes a signé une convention avec La Croix Rouge et l’association Les P’tits Gilets.
- L’objectif est de distribuer aux personnes dans le besoin des vêtements et objets qui auraient dû être détruits.
- Ces pièces à conviction ont été confisquées aux auteurs d’infraction ou appartenaient à des victimes qui ne les ont pas réclamées.
Des véhicules, des écrans, des téléphones, des montres, du mobilier… Chaque année, des tonnes d’objets personnels, très divers, sont stockés par la justice à l’issue d’affaires pénales. Ces pièces à conviction, parfois volumineuses, ont le plus souvent été confisquées aux auteurs d’infractions. Dans certains cas, elles appartenaient à des victimes qui ne les ont pas réclamées. Que faire de tout ça ?
Si une petite partie est restituée à leurs propriétaires, une autre vendue aux enchères au bénéfice de l’Etat, la majorité des « scellés » est généralement détruite. Un « gâchis » contre lequel le tribunal judiciaire de Nantes a décidé de lutter. Une convention a ainsi été signée mercredi avec deux associations caritatives (La Croix Rouge et Les P’tits Gilets). Objectif : leur remettre « régulièrement » des vêtements placés sous main de justice.
Six premiers cartons remplis d’habits chauds, de manteaux ou de chaussures ont déjà été livrés, tandis qu’une trentaine de cartons supplémentaires seront acheminés en fin de semaine. Leur contenu sera offert, via les associations, à des personnes sans abri rencontrées lors de maraudes dans la métropole nantaise.
« Bien plus utile et sensé de les donner »
« Ces vêtements partaient auparavant à la destruction. Il est bien plus utile et sensé de les donner à des personnes dans le besoin », explique Franck Bielitzki, président du tribunal judiciaire de Nantes. « Ils étaient en excellent état, parfois neufs, encore sous film plastique. Cette destruction faisait mal au cœur à tout le monde, à commencer par nos agents du greffe. Ce sont eux qui nous ont alertés », complète Renaud Gaudeul, procureur de la République, soulignant qu’une initiative similaire existe aussi à Metz (Moselle).
Outre des vêtements, les cartons de la justice contiennent quelques jouets et jeux vidéo à destination de familles en grande précarité dans la perspective de Noël. « Nous sommes très heureux de cette collaboration, se réjouit Olivier Van Cauter, président de l’unité nantaise de la Croix Rouge. Elle apporte une réponse à nos besoins. J’ai encore récemment rencontré des personnes qui n’avaient pas pu se changer depuis deux mois. Elle est aussi dans l’air du temps avec cette idée de lutter contre le gaspillage. »
Armes, drogues et contrefaçons détruites
La livraison aux associations suppose toutefois un gros travail de tri au sein du service des pièces à conviction du tribunal Nantes, lequel gère pas moins de 10.000 nouveaux scellés chaque année. « Il faut contrôler le bon état, vérifier l’épuisement des recours judiciaires, écarter les contrefaçons. Pour une raison éthique, on veille aussi à ne pas donner d’objet concerné par un crime de sang », explique Pascale Bonjean, directrice de greffe.
Parmi les saisies de la justice, les stupéfiants, les armes, les cigarettes, les contrefaçons sont systématiquement détruits. Les véhicules et le matériel informatique sont habituellement revendus par les Domaines, voire réaffectés aux forces de l’ordre.
La Croix rouge dispose du soutien de 300 bénévoles pour ses activités humanitaires dans l’agglomération nantaise. Créée en 2018, l’association Les P’tits Gilets mobilise une centaine de bénévoles pour ses maraudes dans les rues de Nantes.