PROCESAccusées d’avoir falsifié la fiche d’un détenu, deux magistrates relaxées ?

Lyon : Accusées d’avoir falsifié la fiche d’un détenu pour le garder en prison, deux magistrates seront-elles relaxées ?

PROCESLa procureure du tribunal correctionnel de Lyon a demandé que les magistrates soient relaxées, le délibéré sera rendu le 26 octobre
Caroline Girardon avec AFP

Caroline Girardon avec AFP

L'essentiel

  • Condamné dans la Meuse à deux ans de prison dont six mois avec sursis pour violences volontaires aggravées, Eric Hager a mis fin à ses jours en juin 2015.
  • Le jour de sa condamnation, deux magistrates du tribunal correctionnel de Bar-le-Duc avaient oublié de mentionner qu’il devait rester en détention.
  • Convaincue que cette erreur l’a poussé au suicide, la famille du détenu a porté plainte contre les magistrates.
  • La procureur tribunal correctionnel de Lyon, où l’affaire a été dépaysée, reconnaît des erreurs mais estime qu’il n’y a eu aucune « intention frauduleuse » de la part des magistrates.

Les deux magistrates en charge du dossier ont-elles commis une erreur au point de pousser un détenu à se suicider ? C’est en tout cas l’intime conviction des parties civiles, mais pas celle du tribunal correctionnel de Lyon ayant demandé mercredi la relaxe pour les deux femmes.

Pour comprendre, il faut remonter au 12 juin 2015, à l’issue duquel Eric Hager a été condamné à deux ans de prison dont six mois avec sursis par le tribunal correctionnel de Bar-le-Duc pour des faits de violences volontaires aggravées. Ce jour-là, aucun maintien en détention n’est ordonné sur la fiche pénale, ni prononcé publiquement par le tribunal. L’avocat du prévenu informe dès lors son client, placé en détention provisoire, qu’il pourra sortir dans la journée.

Pendu dans sa cellule

Mais le greffier, qui avait alors constaté l’absence de mention relative au maintien en détention, est retourné voir la présidente du tribunal et la substitute du procureur pour les questionner à ce sujet. Après une brève discussion entre elles, la substitute a rajouté sur la feuille d’audience la mention manuscrite « maintien en détention ».

Éric Hager, qui allait fêter ses 50 ans trois mois plus tard, est immédiatement informé qu’il ne serait finalement pas libéré. Il se suicide quelques minutes après un appel passé à sa mère lui indiquant qu’il allait se pendre. Son corps est retrouvé à 13h50 dans sa cellule, ses lacets de chaussures autour du cou.

S’il a été reconnu à l’époque que le tribunal avait oublié de prononcer le maintien en détention, les deux magistrates ont été dispensées de peine. Toutes deux ont reconnu avoir ajouté la mention ultérieurement pour réparer cette erreur de départ, mais non dans l’objectif de « falsifier » délibérément le document. Compte tenu de leur jeunesse et de leur manque d’expérience (l’une avait 27 ans, l’autre était en fonction depuis trois mois), elles n’ont pas été sanctionnées. Les enquêtes menées aboutissent à un classement sans suite pour « irresponsabilité pénale pour cause d’erreur de droit » puis de non-lieu pour « défaut d’éléments intentionnels ».

Une « erreur » mais « sans intention frauduleuse »

« Indignée » par ces décisions, la famille d’Éric Hager porte plainte pour faux en écriture publique par personne dépositaire de l’autorité publique et détention arbitraire par personne dépositaire de l’autorité publique. Les deux femmes sont alors renvoyées devant le tribunal correctionnel de Lyon, après dépaysement du dossier.

Après plus de cinq heures d’audience, où elles ont répété - parfois en pleurs comme la substitute - qu’elles avaient certes commis une « erreur » mais « sans intention frauduleuse », la procureure a requis mercredi « la relaxe ». Il y a eu une « succession d’oublis et d’erreurs », un « manque de vérification » et des « fautes disciplinaires » mais « pas d’intention frauduleuse » dans les actes des deux magistrates, justifie-t-elle. La décision a été mise en délibéré au 26 octobre.