Marseille : Après la condamnation du dentiste, les victimes espèrent « tourner la page Guedj »
SANTE•Le dentiste millionnaire Lionel Guedj et son père Jean-Claude ont été condamnés à la prison ferme. S’ouvre pour les victimes une nouvelle page : celle de la reconstruction… et des indemnisationsMathilde Ceilles
L'essentiel
- Accusés de mutilations dentaires, les dentistes Lionel et Jean-Claude Guedj ont été condamnés à de lourdes peines, allant jusqu’à huit ans de prison ferme.
- Une décision qui intervient après dix ans de procédures pour les 350 victimes, soulagées de pouvoir avancer.
- Cette décision ouvre par ailleurs la possibilité pour les parties civiles d’accéder à des indemnisations, indispensables à leurs reconstructions.
«Les deux assassins vont sortir », peste une victime. « Oui, mais bon, quand ? Il faut le mettre sur Internet », s’impatiente son voisin, le téléphone vissé à la main. « Tu as attendu ce moment pendant dix ans. Tu peux encore attendre deux minutes, non ? », lance un troisième. Depuis une heure et demie, un attroupement attend avec fébrilité devant une petite porte dérobée du tribunal correctionnel de Marseille. Plus tôt, la présidente du tribnal a donné le jugement qu’elle a elle-même qualifié de sévère. Huit ans de prison ferme, avec mandat de dépôt pour Lionel Guedj, et cinq ans de prison ferme pour son père, Jean-Claude Guedj, également avec mandat de dépôt. Tous deux étaient accusés d’avoir mutilé 350 patients, essentiellement des quartiers nord, en s’enrichissant au passage sur la Sécurité sociale et les mutuelles.
Soudainement, les deux dentistes marseillais sortent, escortés par les policiers, pour prendre la direction de la prison de Draguignan, sous les huées et les insultes de la foule. Une centaine de parties civiles a fait le déplacement ce jeudi après-midi pour entendre le jugement, après plus de dix ans d’attente et un procès marqué par des tensions, des rancœurs et la douleur des victimes, qu’elle soit physique ou psychique.
« Je tourne la page Guedj, soupire Noël, victime de Lionel Guedj. Il a joué avec nous, avec nos vies. Et il a perdu. Il a ce qu’il mérite. Au moment de l’annonce de la décision, j’ai ressenti un soulagement. C’est comme si un poids partait après toutes ces années. Et qu’il aille en prison, franchement, je n’y croyais pas. Le sang contaminé, tous ces procès-là, personne n’est allée en prison. »
« Je vais dormir mieux maintenant »
« Moi, je vais dormir mieux maintenant, espère Kamel. J’ai l’impression que j’avais une boule au ventre et que la justice me l’a enlevé. » « Moi, je ne vais pas dormir car je ne connais pas le montant des indemnisations, rétorque Mehdi. J’ai dépensé 26.000 euros en soins à cause de lui » Lors de l’annonce de la décision, le parquet a en effet invité les parties civiles à attendre quelques jours avant de savoir leur sort à chacune sur le plan civil, au risque d’une audience interminable. « Et puis, c’est pas fini, encore, puisqu’il a décidé de faire appel, soupire Zakia. C’est l’histoire sans fin. »
L’avocat de Lionel Guedj, Me Frédéric Monneret, a en effet fait savoir cette décision à la sortie du tribunal. « Cette peine me paraît démesurée, estime l’avocat. S’il n’y avait eu que quatre ans ferme, je n’aurais pas fait appel. Mon client est effondré, incontestablement. » Pour autant, l’avocat a fait savoir qu’il ne faisait pas appel sur les intérêts civils, ouvrant la voie à des indemnisations tant attendues sur le banc des parties civiles, souvent d’origine modeste, et indispensables à leurs reconstructions.
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