DETENTIONPourquoi les surveillants pénitentiaires se sont mobilisés à Arles ?
Hélène Sergent

H.S.

L'essentiel

  • À l’appel de trois syndicats, une centaine d’agents pénitentiaires de la maison centrale d’Arles ont bloqué, pendant quelques heures, l’accès à l’établissement ce jeudi 4 août.
  • Le mouvement visait à protester contre les sanctions disciplinaires déclenchées à l’égard d’un surveillant et de l’ex-directrice de la prison d’Arles après la mort d’Yvan Colonna.
  • Le 2 mars dernier, l’indépendantiste corse a été mortellement agressé dans la salle de sport de cette maison centrale par un autre détenu, condamné pour terrorisme, Franck Elong Abé.

Cinq mois après, la mort de l’indépendantiste corse Yvan Colonna continue de provoquer des remous. Ce jeudi 4 août, l’accès à la maison centrale d’Arles a été bloqué pendant plusieurs heures par des surveillants pénitentiaires. Appelés à se mobiliser et soutenus par trois organisations syndicales, les agents ont été délogés dans le calme par les forces de l’ordre aux alentours de 12h45. Quelles sont leurs revendications et quelles suites pourraient prendre le mouvement ? 20 Minutes fait le point.

  • Pourquoi la mobilisation s’est déroulée à Arles précisément ?

C’est dans la prison implantée dans cette commune que, le 2 mars dernier, le détenu corse Yvan Colonna a été mortellement agressé. Ce jour-là, l’indépendantiste qui purgeait une peine de réclusion à perpétuité pour l’assassinat du préfet Claude Erignac a été violemment pris à partie par un autre prisonnier, Franck Elong Abé.

Cet homme, âgé de 36 ans, avait notamment été condamné à neuf ans de prison pour « association de malfaiteurs terroriste ». Plongé dans le coma pendant trois semaines, Yvan Colonna est décédé le 21 mars à Marseille. Sommé de rendre des comptes, le gouvernement avait alors demandé à l’Inspection générale de la justice d’établir un rapport sur les circonstances de l’agression du berger de Cargese.

  • Que concluait ce rapport ?

Fait rare, le document a été rendu public par Matignon le 28 juillet dernier. Il pointait un « net défaut de vigilance » de la part d’un surveillant pénitentiaire de la maison centrale d’Arles, l’agent étant resté « sans aucun motif » éloigné du lieu des faits, qui ont duré neuf minutes. Mettant en cause l’ex-directrice de cet établissement, le rapport de l’IGJ impute également à l’administration pénitentiaire une part de responsabilité dans le drame.

Des inspecteurs de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Marseille se sont vus reprochés « de ne pas être plus informés de l’évolution d’une personne détenue à la situation pénale sensible ». Toujours selon le rapport, les services chargés de lutter contre la radicalisation violente en prison et la sous-direction de la sécurité pénitentiaire de l’administration centrale n’ont « pas tenu leur rôle en matière de suivi d’une personne détenue TIS (terroriste islamiste) ».

  • Quelles sont les revendications des syndicats ?

Si la maison centrale d’Arles a été bloquée ce jeudi 4 août, c’est principalement en signe de soutien au surveillant pénitentiaire incriminé dans ce rapport. Les trois organisations syndicales mobilisées ce jour - Ufap Unsa Justice, CGT, FO – reprochent ainsi à la Première ministre, Elisabeth Borne, d’avoir érigé l’agent en « bouc émissaire » de cette affaire particulièrement gênante pour l’exécutif et l’administration. Lors de la remise du rapport, la cheffe du gouvernement avait par ailleurs annoncé « le déclenchement de procédures disciplinaires » à l’encontre du surveillant et de l’ex-directrice de la prison.

La locataire de Matignon a été amenée à s'emparer à bras-le-corps de ce sujet judiciaire en raison des anciennes fonctions occupées par Eric Dupond-Moretti. Ministre de la Justice désormais, l'ancien pénaliste s'est déporté de ce dossier car il était chargé, en 2011, de défendre Yvan Colonna lors de son troisième procès.

Contacté par 20 Minutes, Thomas Forner, délégué Ufap d’Arles, dénonce le traitement « inadmissible » accordé à son collègue par l'exécutif. « Le rapport de l’IGJ pointe un nombre incalculable de défaillances et des responsabilités sont établies au sein de l’administration. Pourtant personne n’est visé nommément contrairement au surveillant. On s’en prend à celui qui se trouve tout en bas de l’échelle », fulmine le syndicaliste. Les agents mobilisés demandent à l’administration pénitentiaire de laisser à la justice le temps nécessaire pour enquêter avant de prendre d’éventuelles sanctions.

  • La mobilisation peut-elle s’étendre ?

Le mouvement de blocage s’est principalement concentré sur la seule maison centrale d’Arles. « Un débrayage à Lille, en soutien au mouvement a eu lieu ce matin », indique simplement à 20 Minutes l’administration pénitentiaire. Mais les syndicats se disent particulièrement attentifs aux suites données à ce dossier. « Si l’administration s’acharne contre quelqu’un qui a fait son boulot comme n’importe quel autre agent l’aurait fait, on se fera entendre », prévient d’ores et déjà Jean François Forget, le secrétaire général Ufap Unsa Prison surveillant​.